Gros plan

01/03/2012

Albert Nobbs


Albert Nobbs (Rodrigo Garcia, UK-Ireland, 2011)

(Cet article va comporter quelques spoilers, je n'ai pas réussi à le rédiger sans.) En préambule sachez que j'ai énormément aimé ce film. La réflexion qu'il propose est très intéressante, son discours féministe sous-jacent passionnant, les acteurs sont tous impressionnants, les décors et ambiances lumineuses très convaincantes et la sobriété des cadrage toujours juste. Je vous encourage vivement à aller rencontrer Albert Nobbs de vous-même (et à éviter de lire la suite si vous ne supportez aucun spoil, mais promis, ce que je dévoile ne vous défleurera pas le plaisir de découvrir le fil du scénario).


Albert Nobbs, campé par l'exceptionnelle Glenn Close, travaille dans un petit hôtel de Dublin en tant que majordome, où il vit avec les autres employés de maison, majoritairement des femmes. Un jour, un peintre est engagé pour refaire une pièce et la patronne décide qu'il va partager la chambre d'Albert Nobbs. Au cours de cette nuit, "ils" se rendent compte tous les deux qu'elles vivent le même travestissement d'identité. Afin de trouver un emploi dans cette Irlande pauvre du début du XXe siècle, elles se sont fait passer pour des hommes et ont continué à assumer ces identités. Quand Albert Nobbs découvre que son histoire n'est pas unique, son petit monde va être chamboulé.


La manière dont Glenn Close incarne cet homme sévère et à la volonté de discrétion absolue est époustouflante. Elle m'a émue aux larmes tout en restant, à chaque instant, totalement retenue à l'intérieur de cette enveloppe d'Albert. Le seul moment où elle la quitte (et court sur une plage) elle exulte... j'en ai également eu les larmes aux yeux. Emue de tout ce que cette femme a dû retenir pendant de si nombreuses années et de ce carcan -physique et sociétal- qu'elle retrouve quelques minutes plus tard. Car à aucun moment on ne doute de la véracité de ce destin qui a dû être celui de nombreuses femmes. Pour la petite histoire, sachez que Glenn Close a incarné ce rôle au théâtre il y a de nombreuses années et qu'elle s'est battue pour que ce film se fasse, elle fait partie de la production et a contribué au scénario. (Plus d'infos ici.)


On découvre à quel point l'impossibilité d'être libre en tant que femme est autant  du fait des hommes que des femmes. Dans ce film, tous les personnages masculins (biologiquement), à une exception près, sont méprisables. Les plus fantasques sont un couple de gays qui camouflent leur union en logeant systématiquement dans cet hôtel dans deux chambres contigües avec deux femmes alibi. Autre exemple de cette société où l'apparence est la plus rigide des cages, protégée et perpétrée par tous, Albert Nobbs compris. Le seul personnage masculin non pitoyable est le médecin de l'hôtel, que l'on surprend en plein cunilingus à une des employées. (Et je ne crois pas que ce soit un hasard si c'est justement cet acte sexuel-là, dédié au plaisir féminin uniquement, qui est le seul véritablement illustré dans ce film.) Mais les femmes ne sont pas beaucoup plus brillantes, certaines sont vénales, d'autres ambitieuses à en écraser tout ce qui les entoure, ou lâches. Certaines toutefois sont beaucoup plus courageuses que les hommes, parce qu'elles n'ont pas le choix.

Sachez toutefois que le rythme est lent, parfois contemplatif, les décors, dialogues, lumières sont austères mais élégants, comme Albert, malgré quelques effets spéciaux façon réalisme magique qui se mêlent extraordinairement bien à l'ambiance du reste. Vous aurez compris, j'ai adoré ce film. J'espère vous avoir donné envie d'y aller (et ne vous fiez pas à la bande-annonce qui ne correspond pas à l'ambiance de cette petite merveille) !

Juste pour le plaisir de voir cette femme exceptionnelle.

8 commentaires:

  1. Je dois aller le voir lundi, donc pour ne pas me spoiler, pour le moment, je ne lis pas ton billet dans son intégralité. Mais je retiens que tu l'as bien aimé et trépigne d'impatience de me rendre au ciné la semaine prochaine!

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  2. La bande-annonce ne m'avait pas du tout emballée, mais à la lecture de ton article je me laisserai peut-être tenter par ce film!

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  3. La bande annonce laisse supposer un film presque comique. Ce n'est PAS le cas.

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  4. La teneur de ton article (pas lu juste "elle a beaucoup aimé") m'a fait aller le voir. Je ne suis pas aussi extatique que toi mais je suis d'accord pour dire que c'est un bon film.

    Outre son interprétation exceptionnelle (on dirait un peu un croisement de Stan Laurel et Nosferatu, non ?), le film a le mérite de parler de sujets sensibles sans que ce soit pesant ni "porte étendard". Petit à petit, des touches donnent un tableau plus complet de l'hôtel, ses clients et ses employés. J'aime beaucoup la tronche toute velue de Brendan Gleeson :)

    C'est avec ce genre de film (comme "The Magdalene Sisters" ou bien "La parenthèse enchantée" mais pour ce dernier dans un genre moins lourd) qu'on se rend compte que certaines choses qui vont de soi pour (la plupart d'entre) nous sont des conquêtes assez récentes.

    J'ignorais l'histoire de la pièce créée avant le film, merci pour l'anecdote.

    Bien entendu si on est fan de predator contre cow boys ou de courses de voitures tunées à donf', il vaut mieux passer son chemin.

    Si je devais résumer ce film en deux mots ce serait "touchant" et "digne".





    PS ceci était un post dans la série : "we need to stalk about Funambuline"
    PPS je change d'URL pour éviter les amalgames malencontreux

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    1. J'aime beaucoup ton analyse, merci :-)

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    2. A ton service, merci pour l'idée :)

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  5. Chose faite: je suis allée voir Albert Nobbs hier soir. Je ne saurais dire si j'ai simplement aimé, ou totalement adoré, mais toujours est-il que je me rends compte que je n'ai pas pu m'empêcher d'en discuter avec pleins de personnes et d'écrire un assez long billet sur mon blog. En tout cas, je te suis complètement dans ta critique.

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