Gros plan

14/06/2012

Le grand soir


Le grand soir (Gustave de Kervern et Benoît Delépine, France, 2012)

J'avais vu Mammuth et j'avais trouvé ce film très poétique mais fondamentalement ennuyeux, malgré le discours sous-jacent qui me touche. J'ai pensé qu'avec Albert Dupontel et Benoît Poelvoorde je m'ennuierais peut-être moins et j'ai donc été voir Le grand soir. Le constat est tristement identique.


Not, le plus vieux punkàchien (oui, ça s'écrit en un mot, parfaitement) d'Europe est le fils du couple qui tient la pataterie de la zone industrielle. Son frère travaille au magasin de matelas de la même zone, troisième personnage du film. (Oui, je sais "le décor devient un personnage à part entière" est une des phrases critiques les plus éculées, mais je m'en fous, je suis sur mon blog, NA.) On parle de consommation, d'aliénation par le travail, d'endettement. C'est un film punk, qui veut tout casser et crie NO FUTUR. Malheureusement il s'empêtre dans un rythme inconséquent et anarchique, ce qui est bien pour un punk mais nuit gravement à l'intérêt et l'attention du spectateur.

Le frère de Not devient Dead après s'être fait virer d'abord par sa femme puis par son boss. Ils dérivent à deux quelques jours en effrayant les vendeuses et petits cheffaillons de la zone industrielle et les habitants des zones résidentielles alentour, puis ils décident de "frapper un grand coup". Grand soir qui se terminera dans un parking vide, personne n'aura répondu à l'appel de révolte et d'anarchie des deux frères se voulant rebelles leader. Pathétique(s) jusqu'au bout.


Le choix visuel des "gros grains", comme dans Mammuth, et de la caméra portée -ou plutôt secouée- dans certaines séquences ne termine pas de m'interroger. Loin d'apporter quelque chose, ça ne correspond à rien du fond. Est-ce dans l'espoir de s'approcher d'une esthétique à la Pierrot le Fou ? Un hommage à la Nouvelle Vague ? Une volonté de faire penser au documentaire ? En tout les cas, c'est raté. Et c'est vraiment dommage car de nombreux cadres sont absolument sublimes, mais on a du mal à l'apprécier à cause de ce parti pris "à gros grains secoués".

Les deux comédiens sont impressionnants de sincérité. On sent qu'ils se sont impliqués, tripes, cerveaux et convictions intimes compris. Ce tournage n'a pas dû être facile, pour aucun d'entre eux, mais ils y croient. Malheureusement c'est bien les seuls. Et j'en suis navrée, j'aimerait tellement pouvoir y adhérer aussi, mais les défauts de rythme, visuels, de narration, etc etc etc m'extirpent du film (et du discours) à chaque fois que j'essaie.


Par exemple, il y a des appartitions -parfaitement dans le ton du film- de Didier des Wampas et Brigitte Fontaine. Didier Wampas est en concert et c'est assez jouissif de voir Benoît Poelvoorde surfer sur un public de punks qui se donnent un malin plaisir à le dévêtir, même s'il est clairement mal à l'aise. Brigitte Fontaine incarne la mère des deux frères et elle n'a rien à foutre là. Ce n'est pas une actrice, c'est un personnage, à aucun moment on ne pense autre chose que "ah tiens, Brigitte Fontaine essaie vaguement de dire une phrase de dialogue qu'on a dû lui souffler 30 secondes plus tôt". Dommage que de Kervern et Delépine se compliquent la vie à ce point-là pour des détails qui finissent par faire sombrer leurs films.

J'aime l'esprit de ces réalisateurs. J'aime leurs délires, j'aime leur poésie, j'aime leurs discours critiques, j'aime leur humour, profondément. Mais je n'aime définitivement pas leur cinéma.


EDIT : oui, j'ai spoilé, mais ça t'économise 1h30 (qui en paraissent 3) de ta vie, tu peux pas m'en vouloir.

4 commentaires:

  1. Je vois très bien ce que tu veux dire, mais j'irai le voir quand même. Poelvoorde et Dupontel, c'est trop alléchant.

    Par contre dans le film c'est Didier Wampas, des Wampas. Didier Super c'est quelqu'un d'autre (à écouter ABSOLUMENT même si ça fait un peu saigner des oreilles) http://didiersuper.com/site/

    Merci pour tes chroniques ciné Funmabuline !

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    1. Han, merci, faut que j'arrête de rédiger mes posts au bureau (hum), j'ai corrigé ! (et merci pour les compliments)

      Je comprends que tu y ailles quand même... tente de profiter des cadrages magnifiques et de certains dialogues fabuleux, et de ces acteurs merveilleux, en oubliant le reste qui est bancal...

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  2. Je ne suis pas super fan de leurs films mais je suis content que cela existe car c'est vraiment super à part.
    Y a un côté grandiloquent et dérisoire à la fois, emballant et désespéré, comique et cruel qui est rare.
    J'ai eu la chance de voir le film en présence de Delépine (Kervern était """"fatigué""") et c'est très intéressant d'entendre ce qu'il a à dire. Pour Brigitte Fontaine par exemple, elle apprenait son texte (comme quoi..) mais n'a jamais voulu parler à Dupontel (apparemment c'est comme si elle en avait peur) puis quand elle a vu le film, elle a demandé qui était ce gars et l'a appelé à 2h du matin... Dans le même genre, au moment de la convaincre pour rejoindre le casting, elle n'imaginait pas jouer le rôle de la mère de "ces vieux" et elle voulait jouer une sorcière qui fume dans la forêt bretonne. Bien entendu les réalisateurs ont envoyé le script en remplaçant le nom de son perso par "sorcière qui fume dans la forêt bretonne". Ce qui explique le "je ne suis pas ta mère" qui était pas écrit.

    Pour les plans de caméra, ils refusent le "champ/contrechamp" et filment tout en même temps car c'est plus naturel pour les prises (et plus facile pour le montage). Il y a UN contrexemple dans le film et ils ont mis le même tableau dans le fond, pour que ce soit un peu absurde. :) Mais ouais y a de jolis plans (la lutte contre l'arbre... et un camion Heineken qui passe dans le fond par hasard ou bien le passage "dans les maisons des gens"). Faut aussi savoir que certaines scènes "avec des gens" sur le parking sont pas du tout faites avec des comédiens mais avec des quidams qui ne voyaient pas la caméra et n'ont pas reconnu les acteurs.
    Bref, le film est foutraque, maladroit et je crois que ça fait partie de son charme. Auquel on peut ne pas être sensible.

    Autres typos : "En tout les cas" -> "En tous les cas"
    "j'aimerait" -> "j'aimerais", "Wapas" -> "Wampas". Pour "appartitions " j'ai un doute car c'est presque de la "polésie" :D

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  3. J'ai vu ce film mardi et j'ai adoré, et plus j'y pense plus je l'aime! je ne me suis pas ennuyée, j'ai trouvé les acteurs (que j'adore déjà la base)super attachants!

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