Gros plan

23/10/2013

Jobs



J'ai mis beaucoup de temps à aller voir ce film, mais ça y est, je l'ai vu. Pourquoi ai-je mis autant de temps ? Parce que je voulais me déconnecter des avis à l'emporte-pièce des pro/anti Steve Job lui-même et des pro/anti Apple. Aller voir ce film pour ce qu'il est : un long-métrage de fiction, n'est pas chose aisée. Vous me direz : c'est souvent le cas avec les biopics. Mais ici c'est particulier, on parle d'un personnage récent, très récent, qui, bien que disparu il y a peu, continue à avoir une influence sur notre mode de consommation. Nous sommes touchés d'une manière ou d'une autre par son influence, en particulier quand on traine, comme moi, avec des gens qui passent beaucoup trop de temps sur Internet. 

Et le piège reste, malgré la distance que j'ai tenté de prendre avec la sortie du film et ses critiques (que j'ai essayé de ne pas lire, mais il n'est pas facile de ne pas attraper au passage une catch phrase sur twitter), j'ai tenté aussi de prendre de la distance avec mon propre attachement pour les produits à la pomme (ce qui n'est pas évident) et j'ai donc essayé de voir ça comme l'histoire d'un homme. Ou plutôt une partie de l'histoire d'un homme, de ses années d'étudiant, où il brille par son indépendance et son originalité mais pas par ses capacités académiques, à ses premières tentatives en tant qu'entrepreneur, à ses premiers succès, à ses premiers échecs non assumés et à son come-back retentissant et sa première prestation dans la peau de celui qui est resté dans les mémoires avec son col roulé noir, son jean informe, sa gestuelle crispée et son assurance fascinante et dérangeante. Ses dernières années ne sont pas du tout abordées, ses années d'absence après son éviction à peine effleurées. On ne parle que du Jobs d'Apple, celui par qui tout arrive.


Evidemment les rapports humains sont abordés : il est abjecte. Il se sert des gens et n'est jamais reconnaissant. Il est dépeint comme un homme incapable d'amitié, terriblement seul. Mais il est montré sous son meilleur jour à tellement d'autres moments du film, en particulier dans son introduction -années d'université, premières idées et talent de baragouineur vendeur-, comme attachant, presque doux, un peu perdu, qu'effectivement on l'aime bien. Et pourtant il est détestable.

Si c'était le but du réalisateur (illustre inconnu), de nous le faire aimer, c'est bien joué. Si son but était de nous le montrer "tel qu'il est", je pense que le film passe à côté de son sujet. 


Le film est très très très linéaire, à part la première/dernière séquence où l'on voit Jobs présenter l'iPod -qui est particulièrement bien faite au niveau esthétique-, on suit simplement chronologiquement la vie de Jobs en passant par les "moments connus", c'est-à-dire les succès Apple. Une petite incartade de temps en temps dans sa vie privée, pour le rendre humain, mais un documentaire sur les points forts de l'histoire d'Apple n'aurait pas fait mieux. Et, personnellement, j'attends plus d'un biopic. Je veux la vision d'un réalisateur sur un homme, pas un résumé hagiographique de sa vie, son oeuvre.

Chaque critique proférée ici, qu'elle soit humaine, intellectuelle ou sentimentale, n'est présentée que comme un détail, un léger gravillon sur l'avancée implacable du héros. Son DESTIN était celui-ci, rien ni personne n'a pu l'en faire dévier. Que ce soit ou non la mythologie de Jobs lui-même, je m'en fiche, mais pas le réalisateur, qui n'a réussi qu'à rester dans un portrait littéral, sans aucune profondeur et par là-même particulièrement ennuyeux.

Je n'ai pas détesté ce film, mais je me suis ennuyée. Il est réalisé proprement, construit linéairement, mes bâillements étaient donc d'une grande régularité. 

Ashton Kutcher réalise quant à lui une excellente performance de mimétisme, il fait entrevoir beaucoup plus de profondeur que la place qui lui est accordée dans le film, c'est dommage. Je me réjouis de le voir, enfin, dirigé par un grand réalisateur, cet acteur est très doué (oui, moi aussi j'aimerais bien le détester, mais c'est comme di Caprio, Deep ou Pitt, ils sont vraiment trop doués pour que je n'y arrive) (je déteste Ben Affleck par contre, mais là c'est facile).

Après The Social Network (nettement meilleur) et Jobs, quel sera le prochain film qui murmure à l'oreille des wanna be geek ?

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