L'automne dernier et ce printemps ont été parmi les saisons de séries les plus catastrophiques depuis le boom des séries. Le pourcentage d'annulation de nouveautés, parfois avant même la fin de leur première saison est gigantesque, et je me suis retrouvée tout à fait dépitée par le manque de choses intéressantes. Beaucoup trop de séries qui essaient d'utiliser des "ingrédients qui marchent" et se plantent lamentablement. Quels sont ces ingrédients ? Recréer une époque assez récente -à cause du succès de Mad Men-, parler d'une épidémie apocalyptique -à cause du succès de The Walking Dead-, des séries de super-héros -8 nouveautés entre 2014 et 2015, aucune ne vaillant la peine pour l'instant-, les séries médicales -est-il vraiment nécessaire que je vous précise pourquoi ?-, et on ne compte plus les remakes de films, suites de films en format série, spin off d'univers de films en série et même spin off de séries encore à l'écran en nouvelle série. La série Arrow par exemple, est couplée à la série The Flash, de nombreux épisodes partagnent les mêmes personnages et suivi narratif, et ils viennent d'accoucher de la série DC's Legends of tommorrow. Trop c'est trop, non, je ne verrai pas le remake en série de l'abomination qu'était déjà en film Rush Hour, non, je ne verrai pas Minority Report, ce film est parfait tel quel, laissez-le tranquille, non, je refuse de vous parler de 12 monkeys, remake du sublime film de Terry Gilliam qui a dû défoncer des postes de télévision à voir son univers massacré de la sorte. Bref, tout ça pour vous dire que la récolte a été maigre.
J'avais donc envie de vous faire une liste de celles qui sortent vraiment du lot et qui méritent toute votre attention, non partagées par le reste des sorties qui ne méritent pas un coup d'oeil.
Hannibal
Oui, je sais, Hannibal n'est pas sortie en 2015, c'est sa troisième saison, mais si j'en parle ici comme de la découverte de l'année, c'est que cette troisième saison est le paroxysme des deux premières. La première saison d'Hannibal était déjà très esthétique et intéressante. Mais je trouvais qu'elle manquait un peu d'originalité dans son système narratif. A la deuxième saison, on comprenait que la première était nécessaire pour entrer dans les arcanes des relations inter-personnages, et ça commençait à gentiment partir en vrille, jusqu'au deux épisodes finaux à couper le souffle autant par leur rythme exaltant (malgré une grande utilisation du ralenti) que par leur beauté esthétique qui amenait presque vers des images surréalistes, voire abstraites, voire expressionnistes. Étonnant, fascinant, brillant et stimulant.
Puis a débuté la saison 3. Et là on tient simplement ce que j'ai vu de plus beau et de plus stimulant intellectuellement sur un écran depuis de nombreuses années. Je suis presque tentée, à la fin de chaque épisode, de le revoir entièrement en mettant sur pause à chaque cadre ou presque, pour comprendre comment cette beauté est construite, pour en saisir les ficelles. A voir absolument, à moins que vous ne supportiez la vue du sang. Pour ma part, depuis 3 ans, il a tendance à m'ouvrir l'appétit. Du coup, juste pour le plaisir, questions images culinaires de la série tout à la fin du billet pour ne pas compliquer sa lecture.
Si toutefois il fallait absolument trouver un défaut à cette série, je n'en vois qu'un seul : elle ne passe pas le test Bechdel.
Mr Robot
Seul le premier épisode a été diffusé pour l'instant, et pourtant, comme les autres critiques professionnels ou amateurs, je crie déjà au génie. Si toutes les séries avec un léger fond politique aux US ont des personnages de hackers depuis 2-3 ans, celle-ci en a fait son personnage principal, sur fond de critique sociale, politique et économique du système. Eliott est incarné à merveille par un acteur presque inconnu, la série est réalisé par le réalisateur de The Girl with the Dragon Tatoo et produite par un producteur de True Detective, rien n'est laissé au hasard (sauf Christian Slater qui en général fait foirer tous les projets de série dans lesquelles il est engagé). Seul bémol au rythme et au visuel impecable : un peu trop de clichés sur le "monde du hacking", les puristes vont grincer des dents. Moi, jusqu'ici, je marche à 100%.
Sense 8
Les Wachowskis, comme il convient dorénavant de les nommer, sont créateurs, scénaristes, producteurs et réalisateurs de plus de la moitié des épisodes de cette première saison (5 sont prévues si les retours sont bons, ce qui a l'air d'être le cas) de Sense8, à prononcer comme "sensate" (= perçu par les sens, ressenti). C'est l'histoire (à peine exposée dans cette première saison) de 8 personnes qui tout à coup se ressentent les unes les autres, elles arrivent à communiquer entre elles et sont liées émotionnellement. Ces personnes habitent dans 8 villes sur plusieurs continents différents (Londres, San Francisco, Berlin, Mumbai, Chicago, Mexico, Mombassa et Séoul), chacune a des talents particulier dont elle va pouvoir faire profiter les autres selon leurs besoins. Rien n'est expliqué dans les permiers épisodes, c'est au spectateur de comprendre par faisceaux d'indices, comme pour les protagonistes qui ne savent pas ce qui leur arrive.
La série a été tournée dans la plupart des villes, beaucoup de scènes extérieures sont très réalistes, le soucis du détail est impressionnant, on sent que les Wachowski aiment et ont beaucoup d'ambition pour ce projet qui a probablement coûté une fortune à produire. Le mélange entre le côté très actuel et réaliste et le côté science-fiction est très intéressant, d'autant qu'il importait aux Wachowski d'aborder des thématiques politiques tout en faisant de la SF, ce qu'ils disent être très rare dans les films de SF (ce qui n'est pas mon avis mais bon). Il y a donc plusieurs personnages gays, un personnage transgenre, une multiculturalité de bon aloi. Mais c'est probablement un peu trop réfléchi pour taper juste et les premières critiques hurlant aux montagnes de clichés qui sont effectivement loin d'être camouflés : le Kenyan jovial et souriant, la Corééenne sérieuse et combative, l'Indienne très religieuse, etc.
Malgré de nombreux et visibles petits défauts, j'avoue avoir été très agréablement surprise par le dispositif mis en place, le fait que les mêmes scènes soient jouées dans des locations différentes et montées en alternance est bluffant, et ça passe sans que l'on se pose de question. Les acteurs sont convainquant même s'ils incarnent des caricatures, mais peut-être était-il nécessaire de pousser le trait afin de bien faire la distinction entre les 8 personnages principaux (sans compter les secondaires). Et, évidemment, Wachowski oblige, au niveau des scènes d'action c'est très convainquant. A binge watcher sans trop se poser de question (sinon les défauts deviennent un peu trop apparents).