Gros plan

03/06/2022

L'inspiration Báhn Mì


La première fois que j'ai goûté un Báhn Mì* c'est immédiatement devenu mon sandwich préféré. Avec le BLT. Les deux partagent : des textures, de l'umami, de la fraicheur, de l'acidité. Si tu veux me plaire, il faut ces 4 composantes. Ce n'est pas si évident de toutes les trouver dans un sandwich.

À Lausanne, plusieurs adresses vendent des Báhn Mì, n'étant pas spécialiste, je ne pourrais vous dire lequel est le "plus authentique", mais je pense que c'est un faux débat. Chaque famille a sa manière de le faire et ses habitudes, et je ne suis pas sûre que quiconque puisse revenir à une recette "originelle". D'autant plus que c'est à la base une spécialité street food et non de restaurant, donc les traces écrites sont forcément plus compliquées à sourcer. Par contre, afin d'avoir "le goût en bouche" avant de vous lancer dans vos sandwichs d'inspiration Báhn Mì à vous, en goûter quelques uns préparés par des restaurants dont c'est la spécialité est nécessaire pour comprendre l'équilibre de cette merveille. Sans ordre de préférence vous pouvez tester le Bamee Bistro (rue Chaucrau et Galerie St-François), le My Sandwiches (rue St-Martin), ou le OliMy (av. de Cour et Rue du Grand Pont). Les trois styles sont différents, tant dans les pains que pour certaines garnitures, mais la base reste. 

Détaillons-la.


Le pain.

Le traditionnel Báhn Mì inventé au Vietnam est fait à base d'une baguette avec une partie de farine de riz. Ce qui lui donne une légèreté et un croustillant très difficile à trouver dans un pain 100% farine de blé. Il est normalement préparé minute afin que le croustillant ne ramollisse pas à cause des éléments juteux de la garniture. Je n'ai pas trouver où acheter ce type de pain à Lausanne et je ne suis définitivement pas une boulangère ni pâtissière accomplie. Donc j'ai dû trouver des alternatives. Deux choix ont ma préférence pour l'instant dans mon quartier (mais si vous en avez d'autres, je suis preneuse) : la baguette de chez Manu (rue du Maupas) si l'on prépare des sandwichs la veille pour un pic-nic le lendemain, une baguette fera 4 petits sandwichs ou 2 très grands ; le pain du Frat, c'est-à-dire du Monopole (place Chauderon), s'ils sont dans un bon jour et qu'ils sont d'accord de vous le vendre en faisant les yeux doux au cuisinier, chaque pain fera un bon sandwich, à préparer et manger de suite.

J'ai tenté le même charme au Bamee Bistro sans aucun succès. Sachez enfin que dans les trois adresses citées, le pain est légèrement différent à chaque fois, en format et texture, et que certains sont toastés et d'autre non. Donc ici aussi j'ai l'impression qu'on a un peu de marge de manoeuvre pour la simple raison qu'on ne trouve pas de baguettes à la farine de riz ici. (Si on peut en acheter quelque part, dites-le moi !)


Les sauces.

J'ai vu deux versions principales : pour l'une de la mayo, de la fish sauce et une touche de jus de citron vert. Pour l'autre sans mayo, de la fish sauce, de l’acidité et une touche légèrement sucrée. Quand je les fais maison, j'ai une préférence pour un combo des deux, je fais une mayonnaise qui ressemble à la Kewpie japonaise (où j'en achète, mais elle est si chère), en ajoutant simplement un peu de fish sauce et du sucre à la recette de mayo en 30 secondes. Puis je la mets au frais, au moment de monter le sandwich, j'enduis le bas et le haut avec de la mayo, et quand j'ai posé les garnitures, j'ajoute encore un trait de fish sauce et un peu de jus de citron vert, si j'en ai. Le combo mayo-fish sauce est ma passion. La mayo amène une texture crémeuse en bouche grâce à son émulsion, la fish sauce réveillerait un sandwich mort.

En plus de ces sauces de base, on peut ajouter du piquant. Ou pas. Moi j'aime et je ne me lasse pas d'un trait généreux de Sriracha, ou j'en mets dans la mayo. Et/ou je mets des pickles de jalapeños. Bam hop, transition, quel talent.


Les "accompagnements".

Pas de Báhn Mì sans pickles. Pas de Báhn Mì sans coriandre fraîche. Les pickles sont traditionnellement des carottes et daikon (radis blanc long) coupés en fins bâtonnets, ce mélange s'appelle Dô Chua, vous trouvez de nombreuses recettes en ligne. C'est un pickle 1-2-3, donc 1 part de sucre, 2 part de vinaigre, ici vinaigre de riz bien sûr, et 3 parts d'eau. A préparer au moins la veille, ils sont au meilleur de leur goût et texture entre le lendemain et une semaine plus tard. Il vaut mieux en faire en petites quantités régulièrement plutôt qu'un gros bocal qui devriendra mou et peu intéressant et qui périra dans les limbes de votre frigo. 

Mais c'est à ce chapitre-là, que le Vietnam va terminer de me cancel... moi j'aime tant les pickles que j'aime en faire avec plein de trucs. Ici le Dô Chua amène du croquant, texture indispensable, de la douceur avec la carotte, de l'amertume bienvenue avec le daikon. Il faut donc réfléchir à ces trois composantes si vous voulez utiliser d'autres pickles. Par exemple : des oignons rouges (parce que c'est trop bon et trop joli, et que c'est un bon accord avec la charcuterie), du fenouil (pour le crounch et l'amertume), des carottes à l'aneth, à l'ail ou à la cardamome (pour la douceur et la fraicheur), du concombre (pour le crounch et la fraicheur) etc. Sur les pickles, j'ai fait un long article qui vous donne plusieurs recettes et plein d'idées pour vous lancer.

Pour la coriandre, je sais bien que certains d'entre vous ont ce gène qui donne l'impression d'un goût savonneux à cette herbe extraordinaire. Vous pouvez évidemment mettre du persil plat, de la ciboulette et un peu de menthe, pour tenter de vous en approcher, mais ça ne sera pas pareil. Et sans herbes fraiches, ce n'est pas du tout le même sandwich.


La garniture.

C'est ici que ça se complique. Rien que dans les trois adresses ci-dessus, on peut choisir (et j'ai goûté) entre : du poulet, du boeuf citronnelle, du boeuf haché, du boeuf aux champignons, du porc grillé, du porc caramel, du porc chiar siu, des boulettes de porc, du porc râpé, du porc laqué, du jambon, des sardines, des oeufs, du tofu, du tofu fumé. J'ai aussi goûté du pâté, de la terrine et d'autres charcuteries dans divers festival et food trucks. Autant vous dire que vu la variété, je pense qu'on peut aussi choisir ici ce qui nous plait et qui va convenir en terme de texture, de saveurs et d'indispensable umami.

Mon dernier test remonte à la semaine dernière, c'est celui que je vais vous détailler ici, ne le prenez surtout pas comme une recette figée ou comme quelque chose d'authentique (les mères de mes amis Vietnamiens vont se fâcher contre moi), mais plutôt comme une idée de base sur laquelle construire ce qui sera votre sandwich inspiré par le génial Báhn Mì.

J'ai préparé les sandwichs la veille, donc baguettes de chez Manu. Pour 4 personnes, 2 baguettes, afin d'avoir deux sandwichs chacun.

Sur 1/4 de baguette par sandwich badigeonné de mayo maison faite façon Kewpie, la 1e baguette était au saucisson vaudois : cuit, puis refroidi dans de l'eau froide quelques heures, puis coupé en très fines tranches. (Vous l'entendez ma cancellation qui frappe à la porte ?). 

Pour la deuxième baguette, j'ai fait une omelette soufflée frite : bien battre 4-5 oeufs pour y incorporer beaucoup d'air, puis saler et poivrer, pendant ce temps faire chauffer 3 cm d'huile au fond d'une large poêle. Quand les oeufs sont bien aérés et que l'huile est chaude, sans jamais arrêter de les battre, les verser dans l'huile chaude, ça va provoquer des bulles et le côté "soufflé". Attention, ça cuit vite, mais vous voulez du bien grillé/frit pour une combinaison de texture moelleuse/aérienne/croustillante. Quand elle est cuite, plier la en deux et déposer sur une planche, attendre qu'elle refroidisse un peu et couper en quatre de la largeur de la baguette.

Dans tous les sandwichs j'ai ensuite ajouté des pickles d'oignons rouges, de concombre et de fenouil. Une touche de fish sauce, de la coriandre fraiche. Puis je les ai emballés bien serrés dans du film alimentaire et mis au frigo, afin que leurs saveurs se mêlent (et ça les rend aussi plus facile à manger malgré une garniture généreuse). Si ces sandwichs avaient été uniquement pour mon palais, j'aurais mis beaucoup plus de coriandre et de la sriracha.

Malgré une journée un peu compliquée ce jour-là, ces sandwichs sont restés inoubliables pour mes papilles et je vous confirme que le saucisson vaudois mangé froid en tranches très fines : ça tue. 

Une autre garniture que J'ADORE c'est la version terrine/pâté. Ça va vous paraitre une hérésie mais une touche de Parfait, des pickles, une touche de mayo et de la fish sauce, et bien c'est délicieux. Mais en plus sérieux, vous avez évidemment l'option roi de la terrine, j'ai nommé Chez Denis. J'avais fait une version avec son merveilleux Plus-Que-Parfait, des pickles de carottes et jalapeños, du concombre de la menthe et du basilic, une mayo à la sriracha et avec du jus de citron et c'était BEAUCOUP TROP BON.

Dernier mot pour mes potes vegan : ça tue tout avec du tofu fumé et de la véganaise, mais j'avoue que la version où la sauce soja remplace la fish sauce ne me convainc pas, il me manque quelque chose. Probablement qu'une touche de poudre de MSG fera meilleur effet dans la véganaise du coup, mais j'avoue ne pas avoir testé.
Edit : sur instagram, en umami vegan les suggestions sont de l'arôme Maggi dans la véganaise ou une couche de Cénovis. Je n'avais jamais eu autant envie de Cénovis auparavant !



* Je n'ai aucune intention de vous faire une histoire du Báhn Mì, déjà parce que je n'y connais rien (et ça se lit probablement dans cet article, ahem), ensuite parce que vous aussi vous pouvez lire wikipedia, mais sachez tout de même que le nom de ce sandwich vient des mots "pain de mie", c'est le pain de mie amené par les colons français qui a inspiré au Vietnam cette merveille culinaire dont aucun sandwich français n'arrive à la cheville.
Et pour se souvenir dans quel sens vont les accents, pour ce plat-là ils forment une petite maison : ´ `
Comme ça on n'oublie plus jamais.

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