Vous avez lu Cygnis, le premier roman de Vincent Gessler ? Et bien celui-ci n'a RIEN à voir. Comment un jeune auteur arrive-t-il à écrire si élégamment dans deux univers si différents, je ne sais pas, mais je sais que dorénavant je lirai TOUT ce qu'il écrira. Vous avez compris, j'ai adoré Mimosa, sorti hier en Suisse (chez L'Atalante), et je vous encourage vivement à vous le procurer au plus vite (après quelques mois, Cygnis était difficile à trouver et je parie ce que vous voulez que pour Mimosa ce sera pire).
Le pitch officiel :
Qu’ont en commun Lambert Wilson, Adolf Hitler, le Docteur Snuggles, Jésus Christ, Philippe Katerine et James Brown ? Ils participent tous à une folle aventure au cœur de Santa Anna, ville cosmopolite d’un monde devenu végétarien où la mode est d’être le sosie d’un personnage célèbre réel ou fictif.
Sauf Tessa.
Tessa se targue d’être une authentique personnalité originale. A la tête de l’agence Two Guns Company & associated, elle mène une enquête sur un trafic d’organes, fait d’étranges découvertes sur son passé et part à la recherche de sa mémoire, en compagnie d’Ed Harris et de Crocodile Dundee.
Entre contemplations philosophiques et action survoltée, Mimosa nous entraîne dans une saga improbable où se télescopent clones, doubles virtuels, intelligences artificielles, légendes du crime et du cinéma.
Oui, vous avez bien lu, Lambert Wilson, le Docteur Snuggles, Philippe Katerine, Ed Harris, mais aussi Annie Lennox, Gary Coleman et Trent Reznor. La folle idée de départ, de s'offrir ces personnages, n'est pas juste un exercice de style, mais une véritable réflexion formelle et totalement justifiée par le fond. C'est un roman qui m'a donné régulièrement envie d'aller fouiller wikipédia ou d'écouter certains morceaux en lisant certaines scènes. (Si ça vous dit d'avoir un avant-goût, vous retrouvez le blog du roman ici, avec la "bande-orginiale.)
Comme Cygnis, Mimosa m'a régalé d'une langue élégante sans jamais être pompeuse, légère et percutante, souvent drôle mais néanmoins profonde. Elle peut être théâtre, dialogues argotiques ou paragraphes philosophiques, j'ai rarement lu un roman formellement aussi original et libre. (Il y a des interviews des personnages et de Marguerite Yourcenar, des scènes coupées et un bêtisier, juste pour vous donner un exemple.)
Nous avons conscience de ce que nous sommes et l'individualité assure la cohésion de notre esprit. Notre pensée, notre conscience se déploient grâce à la mémoire. Sans passé, nos personnalités n'existent pas. Nous sommes inscrits dans le temps. Nous avons grandi, mûri, appris, retenu, et nos souvenir nous servent de points de référence à partir desquels nous jugeons, évaluons, décidons, agissons, devenons. Si l'on retire la mémoire, l'esprit n'est plus capable de décider, d'être ni de relier les choses. Nous devenons aussi naïfs que des nouveaux-nés sans défense, à la merci de la moindre suggestion.
Les péripéties de Tessa et de ses acolytes nous emmènent à un rythme haletant à la compréhension du thème du roman.
- Les guignols qui m'ont enlevée m'ont posé un tas de questions. Et ils m'ont scannée plusieurs fois...
- Ils ont obtenu quoi ?
- L'intégrale des séries audio-visuelles de 1953 à nos jours. Ils ont maté La famille Plouffe, Les Cités d'Or, Carnival, Breaking Bad, Home Galaxy, The Big Bang Theory, Tenebras Lux, ...
- Tu as une dérivation d'imbiant ?
- Et comment !
Certains face à face sont absolument hilarants et je me suis surprise plusieurs fois à éclater de rire, ce qui est rare quand on lit non ? (Pensez à moi quand vous arriverez à l'incroyable scène d'énigme entre Christophe Lambert et Lambert Wilson).
- Je devrais te tuer là, écraser cette misérable glotte. Te supprimer comme tu en as éliminé tant. Je me souviens de chacune des besognes que tu m'as obligées à accomplir. Bordel ! J'ai lu du Beigbeder !
Je ne peux absolument pas vous dévoiler l'intrigue sous peine de fausser votre joie de découverte que je m'apprête à revivre une deuxième fois en relisant ce roman que j'ai enfin en main "pour de vrai". (J'ai eu la chance de le lire en avant-première, merci Vincent, c'était un très joli cadeau d'anniversaire !) Je me réjouis de relire ce fabuleux final, si optimiste sur la faculté qu'aura la technologie de se mélanger au vivant pour sauver l'humanité (non, ce n'est PAS un spoil). Ce genre d'optimisme fait du bien à mon cynisme profond. Malgré deux formes totalement opposées, la réflexion entamée par Cygnis est enrichie ici et j'ai pris un énorme plaisir littéraire et philosophique à m'y replonger.
Mais n'allez pas croire que Mimosa est un roman ardu à lire, c'est un roman qui se dévore, un roman jouissif qui nous surprend constamment, qu'on a envie de lire très vite et de savourer en même temps, et n'est-ce pas une des plus jolie torture de la littérature ?
Bref, c'est LE roman de l'année, lisez-le, aucune excuse ne sera acceptée. Regardez ce ciel, il a même fait venir le printemps !
Et moi j'ai qu'une hâte c'est d'avoir le temps de le trouver et de le dévorer
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