19/03/2013

Utopia


Utopia est une mini-série anglaise dont le premier épisode a été diffusé le 15 janvier  sur Channel 4, dont je vous parlais ici. La première saison s'est achevée il y a peu, j'ai digéré et je crois être prête à vous en parler. Je crois. D'abord, comme l'explique très bien le blog le Monde des Séries, il s'agit d'une série particulièrement soignée qui cherche à nous bouleverser, émotionnellement, visuellement, moralement. J'ai vu les premiers épisodes simultanément à Black Mirror et cela avait une résonance étrange et logique. Dans les deux séries on se retrouve dans une position très inconfortable de voyeur et dans les deux séries, il est impossible de détourner les yeux. On nous teste, à quel degré de violence saurons-nous résister ? Mais en même temps, tout est esthétiquement si parfait, si beau, que la violence paraît finalement irréelle et donc non-problématique. Ou comment nous plonger dans un état d'admiration et de plaisir provoqué par la facture visuelle exceptionnelle et nous retourner mentalement grâce à une énigme dont les clés sont fournies au compte-goutte avec grand renfort de violence, physique et mentale, parfois à la limite du supportable. Une expérience qui retourne, c'est le moins que l'on puisse dire.



Au cours de ces 6 épisodes, on suit 5 internautes qui ont décidé de se rencontrer IRL après avoir discuté sur le forum des fans d'Utopia, roman graphique teinté de science fiction mais surtout d'une énorme théorie de complot dont le tome 2 est apparemment en possession de l'un de ces 5 fans. Tout part en vrille très rapidement et on nous entraîne à toute vitesse dans une pyramide terrorisante et de plus en plus sombre sans qu'il ne soit possible de reprendre son souffle. Ceci pour le scénario. (Que j'ai trouvé un peu léger sur la fin, quoique parfaitement cohérent avec ce qui précède, peut-être un peu trop rapide alors que les 3 premiers épisodes nous laissent dans un flou épais que j'affectionne particulièrement. Mais j'apprends à l'instant qu'une saison 2 est prévue, yeah.)



Ce qui est étonnant et remarquable, dans tous les sens du terme, c'est que visuellement c'est l'inverse. Pratiquement que des plans fixes, souvent larges et qui durent. Des paysages vides et des personnages souvent immobiles. Jamais plus de trois personnes dans un même plan, la plupart du temps une seule voir aucune. Et des plans dont la construction interne elle-même pousse à la contemplation, au calme, à la sérénité. On observe la lumière, toujours vive, le réalisateur ne perd aucune occasion de jouer avec des flares, les couleurs sont brillantes, parfois même hyper saturées. (Je me suis d'ailleurs amusée ici à vous présenter certains cadres en faisant un classement par couleur, prenez un peu de temps pour observer ces "photogrammes" de plus près, chacun d'entre eux dénote d'une construction graphique impressionnante, et c'est le cas pour TOUS les plans de cette série.)

 


Ces magnifiques plans quasiment vides, là où on attendrait des caméras qui bougent à la Tarantino, nous plongent dans une atmosphère post-apocalyptique qui sert merveilleusement ce scénario. On ne peut qu'être choqué par les moments rapides qui nous sortent avec violence de notre état contemplatif régulièrement. Une sorte d'inquiétude latente nous suit alors pendant tout le visionnage : vais-je pouvoir profiter de la beauté de ce plan ou va-t-on m'en sortir avec un rebondissement ahurissant ?


 

Je ne veux rien vous dévoiler du scénario, si ce n'est le côté théorie du complot et roman graphique dont je vous ai déjà parlé. Sachez simplement que les amateurs de SF, de BD et de jeux vidéos devraient adorer et que je recommande à chaque amateur d'esthétique visuelle. Âmes sensibles à la violence visuelle s'abstenir.


Un petit mot encore sur les personnages : ils paraissent un peu caricaturaux au départ. Mais plus l'intrigue avance, plus chacun d'entre eux présente des contradictions et devient profond. Aucun n'est épargné par l'expérience qu'ils vont vivre et les personnages féminins sont autant importants, passionnants, puissants et intelligents ou faillibles que les personnages masculins. Malheureusement c'est tellement rare que je me dois de le souligner ET d'apprécier le fait. Ci-dessus Jessica Hyde (n'est pas un nom sublime pour une héroïne qu'on passe un épisode entier à chercher ?), ci-dessous la apparemment si douce Becky (Alexandra Roach  dont j'avais déjà admiré l’interprétation dans Hunderby).


Un dernier mot sur le site Internet du projet Utopia qui ne vous permet malheureusement pas de lire la nouvelle, ce que j'aurais adoré, mais qui comporte quelques pages bien foutues qui jouent avec la paranoïa propre au sujet. Comme pour Black Mirror, on parle aux hyper-connectés, on parle des traces que l'on laisse, de ce qu'on nous ne dit pas, de la capacité d'un simple citoyen à changer les choses pourvu qu'il sache s'informer, etc. Après nous avoir plongé dans un tel état émotionnel, le message passe...







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