02/12/2013

Les Garçons et Guillaume, à table !


Sur le papier, Les Garçons et Guillaume, à table !, n'allait pas forcément m'emballer. C'est un film de Guillaume Gallienne, sur Guillaume Gallienne, interprété par Guillaume Galienne dans deux rôles, adapté d'une pièce de théâtre de Guillaume Gallienne jouée par Guillaume Galienne. Pourquoi irais-je voir un tel tripotage de nombril ? Si vous vous dites la même chose je comprends, mais lisez la suite et laissez-moi vous faire changer d'avis.

Les Garçons et Guillaume à table n'est pas un film sur une pièce de théâtre, c'est un film-pièce de théâtre, un dispositif très élégant tant pour qui aime le cinéma que pour celui qui aime le théâtre (ce qui est rarement le cas, sauf quand on s'appelle Kenneth Branagh). Guillaume débute et termine sur scène. Et il nous guide avec son monologue devenu voix-off durant toutes les scènes du film qui passent ainsi tout à fait naturellement de l'une à l'autre sans soucis chronologique ni problème de réalisme. A aucun moment du film le fait qu'il incarne le rôle de Guillaume à 12 ans et 25 ans ne pose de problème. Ni quand il incarne la mère de son protagoniste, au contraire. Le procédé théâtral nous permet de passer d'un univers à l'autre dans une totale liberté avec une très grande fluidité, ce qui rend le procédé encore plus élégant et éloquent (Edit : la monteuse du film a emporté le César 2014 du Meilleur Montage, mérité). Pour ne rien gâcher, c'est très joliment mis en image, en particulier au niveau de la lumière et des décors. Quant au travail du son, tant dans la voix-off exceptionnellement maîtrisée, émouvante et drôle, que pour la musique qui nous propulse immédiatement dans des ambiances qui peuvent être diamétralement opposées d'une seconde à l'autre.


Mais avec tout ça vous ne savez toujours pas de quoi ce film parle. Ce film raconte la relation entre le personnage de Guillaume et sa mère. Ce film parle du regard des autres qui vous condamne parfois à une image qui n'est pas la vôtre. Ce film parle de féminités et de masculinités. Ce film parle des femmes, merveilleusement. Ce film parle de la difficulté d'être un homme. Mais, surtout, ce film construit des émotions.

"l'objet qui me fait le plus peur au monde, c'est le cheval"

Une critique de cinéma m'a dit un jour "un film est bon s'il te fait rire, ou pleurer, ou tomber amoureuse". Ce film m'a fait rire aux éclats. Ce film m'a fait pleurer, jamais de tristesse, mais d'émotion pure.  Et, plusieurs fois, ce film m'a fait passer du rire aux larmes en quelques secondes. Car c'est là où Gallienne excelle, il sait délivrer une gamme extraordinaire de sentiments. Son jeu est exubérant mais toujours d'une précision phénoménale, sincère et désarmant mais toujours pudique, extrêmement drôle mais jamais au dépend de qui que ce soit (pas même de lui-même). Et si ce film nous parle de Guillaume Gallienne, c'est qu'il nous montre l'étendue de son talent, l'origine de son sens aigu de l'observation de l'humain, la poésie qu'il réussit à déceler et à mettre en valeur chez chacun.


Guillaume Gallienne est un mec bien, il a fait un film avec talent, avec du coeur, des tripes et des couilles. Un film qui m'a fait tomber amoureuse de son personnage, un grand film. Allez-y !



Edit : 5 Césars 2014 ont été attribués à Guillaume Gallienne et à son film : Meilleur film, Meilleur acteur, Meilleur montage, Meilleur premier film, et Meilleure adaptation. C'est énorme. Chacun d'entre eux est mérité.

14 commentaires:

  1. "Mais, surtout, ce film construit des émotions." La chose que peu de gens ont eu l'intelligence de dire à propos de ce film qui m'a moi aussi fait passer des larmes de rire au chamboulement :-)

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  2. Tu as gagné. Demain, je vole 2h à mon boulot (+1h de bus aller, +1h de bus retour) pour aller le voir. Tu es contente de toi?

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    1. Ha, et moi quand je m'enthousiasme sur le même ça te fait rien ??? scandale :-D

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    2. Rassures-toi Ed, c'est à cause de toi que j'ai été le voir. 1 partout Guillaume au centre ;-)

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    3. Non mais c'était une sale boutade (de Dijon, évidemment), mais merci, je ne m'y attendais pas :-)

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  3. Pour la paix entre les peuples : que Fun' me dise que c'est exceptionnel, ça ne suffisait pas, mais si Armalite et Nekko vont le voir, alors... *dodge*

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    1. Nekko a donné son avis autant enthousiaste que le mien ici : http://nekkonezumi.com/2013/11/20/les-garcons-et-guillaume-merci-pour-le-diner/ ;-)

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    2. Et Armalite donnera le sien demain, mais ne peut pas encore prédire quelle tonalité il aura ^^

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  4. Bon je vais un peu casser l'ambiance et me prendre des coups de règle sur les doigts :D
    Malgré tout le bien que je pense du film (voir plus bas), il manque un petit quelque chose pour que je sois pleinement satisfait d'où mon (très léger) bémol.
    La partie en cure bavaroise fait vraiment tache avec son humour bas de gamme, alors que tout le reste est vraiment bon. Je trouve ça dommage car ça place le film plus bas (à mes yeux) qu'il n'était avant. La scène en boite à Paris et ses suites (je n'en dis pas plus) est un peu meilleure mais pas beaucoup...
    J'ai aussi du mal à voir l'universalité du message, mais là encore si ça se trouve, ce n'est que moi. J'ai l'impression qu'il s'agit plus d'un "coming out hétéro" (l'expression me plait peu mais je ne trouve pas mieux) personnel (limite "ouf la morale est sauve" alors que, à la base, ce n'est généralement pas vraiment une prouesse de s'affirmer hétéro...) plutôt qu'un message sur la vision des autres et l'influence que cela peut avoir. Je me dis (mais peux me tromper) que le succès du film peut venir du fait que "finalement ça ne fait pas grand mal" (ne choque personne) plutôt que du fait qu'il porte un message universel.

    A part cela, la mise en scène est quand même assez plate : si des fainéants veulent attendre de le voir à la télé, je ne pense pas qu'ils perdront grand chose.. pas comme pour Django Unchained (toujours mon meilleur film 2013) ou Gravity. J'ai peu apprécié le va et vient avec le théâtre (ça tombe à l'eau, je trouve), mais y a des bonnes idées comme quand il est déçu et tombe littéralement dans la piscine (on le voit dans la bande annonce), car là ça ne tombe pas à l'eau (enfin si, mais vous me comprenez).
    Le film est vraiment drôle, bien rythmé (le must, pour une comédie) et aussi très émouvant aussi par exemple dans la scène d'équitation vers la fin (et aussi mais c'est perso avec "Babou"). En effet Guillaume Gallienne est un excellent interprète, il est à couper le souffle. Je le crois aussi très sincère dans sa démarche.
    Avant de me faire lapider, je re-souligne que j'ai beaucoup aimé le film et que je pense qu'il sera dans mon top 10 de l'année.

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    1. Cher Herr Dr,

      La cure bavaroise a une utilité : parler d'anus. Oui, c'est bas. Mais c'est malheureusement une question que se pose beaucoup d'hétérocentré par rapport à l'homosexualité masculine. La même utilité que la scène dans le studio où on lui explique son "rôle de salope". Non, ce n'est pas fin. Non, ce n'est pas subtile. Et oui, c'est exagéré... et certainement "cliché".

      Mais est-ce plus cliché que Sisi ? Est-ce plus cliché que l'internat anglais où le côté maniéré exacerbé du personnage est moins flagrant face aux excentrismes anglais ? C'est de la même veine.

      Je comprends votre (je pense à toi et à Nekkonezumi qui fait la même réserve dans son billet en disant "vous") réticence. Je l'ai pour ma part perçu comme une réponse définitive à des questions cons. Plutôt drôle.

      Quant à l'universalité du message, je pense que l'on ne situe pas le "message" au même endroit. Pour moi il s'agit, d'abord et avant tout, d'un formidable exercice de style, extrêmement réussi. Si message il y a, c'est celui de l'image que les autres peuvent projeter tellement fort sur nous qu'elle peut nous enfermer. Quelle que soit cette image. Et je ne pense pas qu'à aucun moment ce film, ou son auteur, ose prétendre à un "message universel". Ce serait contredire sa pudeur.

      Je te rejoins par contre sur le côté "on peut le voir sur petit écran". Oui, ce film ne gagne pas forcément à être vu sur des écrans de plusieurs mètres de hauteur. La différence toutefois aujourd'hui, dans notre époque multiécran où l'on a tendance à livetweeter et autres devant un film, c'est que dans une salle obscure, smartphone éteint, on peut vivre la succession d'émotions par laquelle nous fait passer le réalisateur en immersion, sans possibilité de zapper ou d'être distrait par un nouveau mail "vos meilleurs cadeaux de noël à prix cassé chez les trois redoutables".

      Et je te rejoins aussi sur le fait que ce film sera définitivement dans mon top 10 de l'année. D'ailleurs, ça me donne envie de le faire ce top 10, et je t'invite volontiers à le faire aussi sur mon blog, si ça te dit :-)

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    2. Si mon correcteur voulait bien ne PAS corriger Heer en Herr, je lui en serais extrêmement reconnaissante. Je ne compte pas les fautes d'orthographes abominables suivantes, c'est la faute de wikimedia foundation qui m'a payé le digestif :-P

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    3. (Herr Dr, c'est bon, au fait...)
      Je comprends l'intérêt de la scène bavaroise dans le scénario mais je ne pense pas que le faire sous cette forme soit une bonne idée... même si j'avoue ne pas en avoir de meilleures en tête. Cliché oui, comme plein d'autres choses dans le film mais tout le reste était mieux amené, plus fin ou plus décalé (la mère qui enchaine les phrases très polies avec "Bordel de merde" dans la suivante).

      Je plussoie carrément pour les films sur grand écran : je vais très souvent au cinéma et ne regarde presque jamais de film à la télé car j'ai du mal à avoir l'autodiscipline de "ne faire que ça", alors qu'au ciné, on n'a pas le choix. Mais je sais que je suis un cas minoritaire et que la plupart des gens préfèrent rester chez eux au chaud. Je fais quand même la part des choses entre "les films de repassage" (tu peux faire autre chose en même temps), "les films qui n'ont rien de spécial pour être vus au cinéma" (comme celui dont on parle) et les "films spectaculaires/éblouissants" qu'il faut voir sur grand écran pour apprécier pleinement.

      Au sujet de la phrase de ta critique, je me dis quand même qu'il y a certains cas où on rit/pleure mais on n'en est pas fiers après coup. Ou bien car c'est de l'humour bas de gamme, racoleur, ou bien parce qu'on nous a mis du "jus d'oignon dans les yeux" (l'expression n'est pas de moi mais j'aime beaucoup) pour nous faire chialer en jouant avec nos sentiments. Un film qui nous émeut au sens noble du terme est un film qui compte mais l'émotion en elle même ne suffit pas. Pour reprendre les films de l'an dernier, "Camille redouble" m'a vraiment ému, surtout pour des petites touches innocentes et subtiles. Et l'an d'avant "Une séparation" était éblouissant.

      Au sujet du top 10, on verra d'ici fin janvier (le temps que je "rattrape" des films de 2013 pas vus)

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    4. Camille Redouble, oh oui c'était bon !

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