20/11/2015

Burnt m'a fait perdre l'appétit


J'adore les films qui parlent de bouffe, de cuisine, de cuisiniers, de restaurants, d'ingrédients. J'ai une belle collection de films culinaires à la maison et dans ma filmothèque de mémoire (une liste non-exhaustive est sur ma page Films Culinaires, les films sont classés par genre). Dernièrement, par exemple, le film Chef de Jon Favreau m'avait ravi pour son apologie de la gourmandise et de la comfort food, la recette que j'ai apprise dans le films des spaghettis pour séduire Scarlett Johansson est devenue un de mes classiques. C'est ça que j'attends d'un film culinaire, qu'il me donne envie de cuisiner, de manger, de tester de nouvelles recettes, de nouveaux ingrédients, ou de réfléchir à ce monde-là.

Quand j'ai su que Burnt allait sortir, j'ai cherché en quoi Bradley Cooper était la bonne personne pour le film, il l'est. Il a travaillé plusieurs fois dans des restaurants avant d'avoir du succès en tant qu'acteur, il aime ce monde-là, et il avait déjà été entraîné quand il a joué dans la série Kitchen Confidential (très librement) inspirée du roman Kitchen Confidential de Anthony Bourdain. Série que je ne recommande qu'aux très grands amateurs d'histoires en cuisine, elle n'est pas spécialement brillante à la réalisation, ni au scénario, et si elle reste très plaisante à suivre, elle ne laisse pas de souvenirs impérissables. Mais pour ce qui est de la cuisine, les rôles dans une brigade et les plats sont tous justes et très bien documentés (forcément, c'est tiré d'un bouquin écrit par un chef...), donc c'est assez chouette à observer.

Après avoir vu cette série, je me réjouissais d'aller voir Burnt, d'autant plus quand j'ai appris le reste du casting : Omar Sy (qui est impeccable dans le film), Sienna Miller (parfaite aussi), Emma Thomson, Uma Thurman, Daniel Brühl, preuve que le film était clairement ambitieux. Les premières minutes sont prometteuses, la lumière est belle, les décors réalistes (même si un peu trop propres), le rythme est bon. Le scénario très cliché, mais beaucoup de films commencent avec la rédemption du héros, pourquoi pas.



Adam Jones, ancien sous-chef dans un restaurant étoilé français, a disparu pendant 3 ans (il ouvrait un millions d'huître à la Nouvelle Orléans pour sa RÉDEMPTION) quand il revient à Londres et annonce qu'il veut aller chercher sa troisième étoile. Il va rechercher les membres de son ancienne brigade qu'il a trahi 3 ans plus tôt (je vous passe les petites scènes de montage je te déteste-je t'aime-d'accord je te donne mon restaurant tout de suite/je rejoins ta brigade) et commence son restaurant. C'est magique, en 2 mois il a une brigade et un restaurant à son nom dans un grand hôtel londonien, trop cool la vie de chef.

Bref, vous l'aurez compris, c'est là que j'ai commencé à m'énerver. Si, à la limite, le réalisateur m'avait montré un long temps de travaux et la construction de la carte avec l'équipe, ok, mais là on dirait que dès qu'il ouvre, il n'a pas encore sali une casserole, il attend déjà les inspecteurs Michelin.


Dans les clichés, j'ajoute l'histoire d'amour avec la cheffe de partie poisson qu'il va piquer chez un concurrent qui commence par le détester et va finir par tomber amoureuse (ces spoilers c'est pour votre bien, je vous fais gagner 2h de votre vie). Il y a aussi la compétition avec un autre chef qui a un restaurant façon moléculaire-cuisson sous vide (la cuisine est gigantesque, toute blanche, avec des fenêtre dignes de la hauteur de plafond d'une cathédrale, et la salle est pareille : immense, blanche, avec d'énormes tables vides, le cliché est total) alors qu'Adams veut faire de la "vraie cuisine près de l'ingrédient".

Tu la sens bien la recherche de spectateurs foodies-hype-je-me-la-pète-mais-je-ne-connais-la-gastronomie-que-sur-instagram ?


A part un ou deux twist que je n'attendais pas, et l'excellente performance des acteurs, le discours sur la bouffe et les tonnes de clichés sur ce monde-là m'ont énervé pendant toute la projection. Le chef qui hurle sur sa brigade en jetant des casseroles en cuivre à travers la cuisine, l'énorme gâchis de produits, le manque total d'originalité dans ce qui est proposé à la carte (qui d'ailleurs n'est jamais détaillée, alors que c'est ça la principale préoccupation d'un chef), le pompage de style "Bourdain" sans aucune authenticité (à part le rappel à la série Kitchen Confidential pour rassurer les spectateurs ou attirer les foodies en surfant sur la vague) et le côté "il a eu 2 étoiles au Michelin alors il peut tout se permettre c'est une star" ont achevé de me mettre ce film en travers de la gorge.

En en sortant, non seulement je n'avais pas faim, mais surtout pas envie de cuisiner, aucun intérêt à me demander qui était le chef consultant (alors que c'est un chef connu à Londres qui a effectivement 2 étoiles au Michelin) et surtout, je n'avais aucune envie de retenir le nom du réalisateur. C'est une erreur, retenez bien : John Wells, et n'allez pas voir d'autres films de lui !

Le problème quand il y a une mode (la mode c'est donc le côté obsédé par la bouffe du monde actuel), c'est que des gros malins s'embarquent dedans sans aucune authenticité, ni passion, ni intérêt. On voit donc fleurir des films culinaires à côté de la plaque, des romans qui parlent de bouffe juste parce que ça fait vendre, des livres de recettes à foison sur tout et n'importe quoi (le nouvel eldorado de l'édition), etc. Il va falloir être très vigilants pour repérer les vrais gourmands des opportunistes du trend. Et ce film fait clairement partie de la deuxième catégorie.

Sinon, on peut toujours lire les BD de Bourdain, mais seulement si vous êtes des foodies-second-degré. Comment ça je me moque ?

3 commentaires:

  1. j'avais hâte de lire ton avis sur ce film, qui ma fois me tente (tentait?)... Tu es un peu à contre courant de ce que j'avais lu sur le côté réaliste (pas sur le côté scénario), de l'organisation en cuisine des grandes brigades.
    J'ai assez peur que les clichés - dans ces grandes brigades étoilées- soient réalistes, cf. les affaires Robuchon, Alléno, Anton,... Et le - je peux tout me permettre car l'excellence n'a pas de prix - pas si cliché que ça...
    http://www.atabula.com/violences-en-cuisine-que-lomerta-cesse/

    Bref je crois que je vais attendre la sortie dvd pour celui là ça suffira...
    Bises et bon WE

    Sophie202

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  2. Merci pour le blog, moi aussi je vais attendre la sortie dvd. J´ai vu aussi un blog sur ce film ici, interessant.

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  3. Bonjour. Tout à fait d'accord sur ce film. Aucune sensualité, les assiettes défilent sans qu'on s'y arrête une minute. J'ai mille fois préféré " Chef ! " avec Clovis Cornillac.

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