Parmi mes épices favorites (1), il y le sumac. Cette poudre de baies rouges séchées qui vient du Moyen Orient a un goût acidulé, un peu poivré, profond, et une touche d'amertume. C'est le meilleur ami des tomates, du poulet, du houmous, des légumes grillés, et tant d'autres choses. Et c'est si beau ce pourpre profond.
Le sumac est dans la composition d'un mélange d'épices qui est la star montante des spice nerds depuis quelques années : le zaatar (2). Ce qui est étrange car le rouge du sumac disparait pour un mélange vert profond. Aussi profond et magique que son goût.
Mais attention, il y a plusieurs zaatar. D'abord c'est une herbe. Non, recommençons : d'abord c'est le nom de plusieurs herbes. "zaatar" se traduit littéralement par thym, ou "thym d'Alep". Dans le Maghreb, c'est une herbe de la famille de l'origan. Et c'est aussi le nom de toutes les herbes de la famille de l'origan. Mais dans la région levantine (Palestine, Liban et Syrie, etc.), c'est le nom de l'hysope.
C'est aussi le nom d'un mélange d'épices qui, selon d'où il vient, va être composé de : thym sauvage, ou origan sauvage, ou hysope, ou un mélange des trois. Certains y ajoutent même de la menthe. La suite est plus simple : en plus de l'herbe séchée (ou des herbes...), il y a du sumac et du sésame blanc torréfié (et parfois du sel). Et là : c'est bonheur.
Au marché de Lausanne, le marchand d'épice vend un excellent zaatar qui vient de Palestine. (Donc, je suppose, à base d'hysope, celui qu'on veut, le plus traditionnel levantin.)
Ok, super, et ?
Et bien on le voit PAR-TOUT chez les influents food ces dernières années. Nigella, Ottolenghi (bon, lui qui écrit des livres à base de cuisines israélienne et palestinienne c'est normal, mais ses livres sont parmi les plus lus au monde. S'il ne vous en fallait qu'un, choisissez Flavour), Bon Appétit, Kenji Lopez Alt, etc. toutes et tous en parlent, l'intègrent dans des recettes, le recommandent partout. Cela suit un nouvel intérêt pour les sublimes et multiples gastronomies arabes. Et j'en suis ravie, parce que j'adore ça.
D'ailleurs, si vous avez déjà mangé libanais : vous avez déjà mangé du zaatar. Par exemple sur un pain plat garni d'une "pâte verte" et de sésame : c'était du zaatar et de l'huile d'olive. Ça s'appelle Man'oush(e), c'est un flatbred traditionnel du Liban, où le zaatar suffit à en faire un délice.
Pour en goûter à Lausane, je vous recommande Manouchy, duh. Ils l'utilisent comme base de sandwich avec pain cuit minute : ça tue.
Du coup, vous goûtez, vous adorez, vous en achetez, et ensuite on en fait quoi ?
Et c'est là où je voulais en venir. (Oui, tout ce qui précède n'est qu'introduction, je ne peux m'en empêcher.) (D'autres font ça avec les notes de bas de page (3), moi c'est les intros.) (Et les parenthèses.) Le zaatar sort aujourd'hui de ses origines levantines (et turques et arméniennes, pour être précise) pour passer dans pleins d'autres plats où il s'adapte avec bonheur, comme s'il avait toujours été là.
L'exemple qui m'a le plus surprise (et qui fait baisser mes stocks à grande vitesse) c'est les Cacio e Zaatar de Ottlolenghi. C'est tout simple, on fait un traditionnel caccio e pepe romain, mais au lieu du poivre, on met du zaatar. Et ça tue TOUT. Chauffé dans du gras le zaatar s'élève, s'arrondit, se développe, s'épanouit puis il séduit nos langues et narines comme une magnifique aventure estivale qui nous laisse pantelante à en redemander. Bref : food porn avec 4 ingrédients et en moins de 20 minutes.
Ici accompagné de côte de bettes roses au sumac. Ma bouche en salive encore. |
C'est un mélange qui peut se manger froid, saupoudré sur quelque chose, ou chaud, en marinades, grillades, sauces, etc. Extrêmement versatile, il change de profil selon avec quoi on le marie et comment on le traite. Mais il est toujours puissant et séducteur, central au plat, le reste des ingrédients deviennent ses "betas"(4).
On peut l'utiliser :
- sur du houmous avec de l'huile d'olive
- dans de l'huile d'olive pour y tremper du pain
- sur de la foccacia juste avant d'enfourner (avec de l'huile d'olive pour ne pas qu'il brûle)
- feuilletés au zaatar (pâte feuilletée ou pâte filo, avec ou sans fromage)
- flûtes apéro au zaatar
- dans un grilled cheese
- dans une quesadillas avec mozza, féta et un oeuf
- sur du fromage de chèvre frais sur un plateau de fromages
- sur une salade de tomates, et/ou concombre... avec de l'huile d'olive
- en sauce à salade à base d'huile d'olive (do you feel a pattern? (5)) ou de yoghurt
- salade pois chiches et aubergines grillées
- sur du poulet grillé (version Nigella)
- sur un poulet rôti
- sur du saumon grillé (version Ottolenghi)
- dans un ragoût d'agneau
- en marinade et/ou en garniture de légumes rôtis
- sur une butternut rôtie avec sauce tahini et mélasse de grenade (recette de Nigella dont le titre suffit)
- sur des frites de patates douces
- sur des oeufs au plat
- en omelette avec de la féta (j'y ajoute parfois des épinards)
- oeufs avec poireaux et zaatar (on peut remplacer les poireaux par des épinards)
- mac n cheese avec "pesto de zaatar"
- dans de la purée de patates (à délayer dans un peu d'huile d'olive qu'on ajoute au beurre)
- et, mon petit péché mignon : sur des chips, ou du popcorn (ou au bout de mon doigt mouillé, oh nooooooon ça y a collé et je dois lécher, ahem.)
- et, ÉVIDEMMENT, la moitié de la totalité des recettes du Liban, de Palestine, de Syrie, et des tonnes de recettes turques, arménienne, irakiennes, etc.
Et là ce ne sont que les recettes que j'ai testées ! Il y en a des centaines d'autres. Peut-être milliers d'autres. Car ce mélange herbacé, acidulé, amer, puissant, chaud, enveloppant, brut, séduisant, c'est simplement de la magie. Et il montre d'autres facettes dans chaque recette.
Ses meilleurs amis :
- huile d'olive
- tahini
- pain
- pois chiches
- tomates
- oeufs
- fromages frais, fromages de chèvre et brebis
- yoghurt
- mélasse de grenade
Allez hop, filez en acheter, tout le monde en a besoin d'un pot dans sa cuisine (6).
(Ou, si vous en avez déjà, racontez-moi comment vous l'utilisez.)
*****
1 - Mon top 5 épices, vu que personne ne l'a demandé, c'est sumac, macis, poivre, safran, coriandre. (Enfin, ptet ma réponse change demain, sauf les 3 premiers.) (Je parle ici d'épices, donc pas de mélanges d'épices, ni d'herbes, ni de condiments)
4 - Si dans la vie j'ai décidé de remplacer les mâles alpha par des omega 3 (#santépublique), pour les épices, j'aime les alphas qui laissent leurs empreintes sur mes papilles par surprise et s'y installent sans nuances.
5 - Pattern : le zaatar aime le gras pour s'épanouir. (Car le gras c'est la vie et que le zaatar a tout compris à la vie.) "Si tu y mets de l'huile d'olive, tu peux probablement y foutre du zaatar" Xavier A. 2022.
6 - Mon ami-foodie avec qui l'on peut débattre durant des heures du moindre détail, le même que la citation ci-dessus, qui cuisine plutôt français classique avec peu d'épices, consomme deux pots de zaatar par année. C'est dire.
Le Zataar c'est comme le gras c'est la vie
RépondreSupprimer"Zaatar partout" c'est clairement mon prochain tattoo !
RépondreSupprimerVotre article tombe à pic, j'ai acheté du sumac et du zaatar le week end dernier pour faire des recettes Ottolenghi ! Merci pour toutes ces infos précieuses. Votre article me donne des envies de cuisiner !! Et merci pour la découverte de la newsletter de Sandrine Goeyvaerts, j'adore !
RépondreSupprimerJ'ai fait un test dernièrement pour utiliser des restes: un cake 3 fromages (gruyère, feta, chèvre frais)au zaatar. C'est pas mal du tout, même si je mettrais plus de zaatar la prochaine fois.
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