12/07/2022

The Bear


Après la première moitié du premier épisode, j'ai dû mettre sur pause. Pour reprendre ma respiration et boire de l'eau. Et me faire à l'idée que cette série me provoque les effets physiques et mentaux d'un stress de gros service. Le rythme, le décor, les acteurs aux dialogues éjectés trop vite et trop fort font monter mon rythme cardiaque et me replonge dans ces moments d'adrénaline à la concentration intense. Désagréable mais génial. Des pro et anciens pros trouvent que cette série est beaucoup trop bien faite et donc un trigger pour leur traumas de cuisine

Pour ma part, j'ai avalé cette première saison toute crue. Puis je l'ai immédiatement revue pour en apprécier la subtilité des ingrédients, des assaisonnements, des cuissons et du dressage. Je vais probablement la revoir, souvent.


Cette série raconte un restaurant italien de quartier, à Chicago, le frère du patron récemment décédé reprend les rennes pour tenter de le sauver. Pour lui c'est passer des plus grandes cuisines du monde (le NOMA est cité) à un environnement plus familial et bordélique. Le stress financier s'ajoute à celui d'un outil de travail désorganisé et d'une équipe qui ne reconnait ni son autorité, ni ses codes. Tous les enjeux de cette série sont là : ils touchent au coeur des enjeux de la restauration et sont exposés avec une limpidité qui permettra à tous les spectateurs•trices de les comprendre, et aux professionnels•elles de se faire tendre un miroir beaucoup trop réel pour être confortable, et beaucoup trop véridique pour ne pas être fascinant.

Pour ne rien gâcher, le casting est fabuleux. Des deux leads, Jeremy Allen White (que vous connaissez peut-être comme Lip dans Shameless), le chef de cuisine et Ayo Edebiri, la sous-cheffe, sont parfaits de tension constante. Jeremy Allen White est habité, torturé par le deuil et la culpabilité, précis et concentré dès qu'il s'agit de conduire sa cuisine, épuisé mais résilient. Une prouesse ciselée qui est filmée de près, de très près, en caméra toujours mobile et rapide, on est au centre de la brigade dans les moments de stress, on a chaud, on est concentré, on attend le prochain ticket. Yes chef.

Ayo Edebiri crève l'écran. Elle réussit sans cesse à faire passer la contradiction des émotions qu'elle subit. Son impatience de jeune cheffe ambitieuse est en combat avec l'admiration pour la carrière de son chef, on la sent au bord de la crise, constamment sur la crête, intense. Et tout le reste du casting suit le niveau et on sent qu'une équipe s'est formée, la complicité, indispensable quand on bosse de nombreuses heures ensemble dans une cuisine chaude et exiguë, transpire à l'écran.


Mais ce que j'ai préféré dans cette série, au-delà du rythme, du casting et de la réalisation, c'est la vraie réflexion, qui est en cours en ce moment dans le monde de la restauration. Le système des brigades est violent. Mais une organisation est indispensable pour fonctionner. Comment trouver l'équilibre ? Comment rendre les cuisines inclusives ? Comme favoriser l'imagination et le sentiment de fierté du beau travail ? Comment fidéliser une équipe et éviter les ambiances toxiques qui découlent du stress de ces métiers ? La série n'offre pas de solutions toutes prêtes. Elle creuse les questions et les contradictions de ce monde difficile mais passionnant. Elle inspire. Elle donne une image réaliste, critique mais optimiste du milieu. Et si elle se permet quelques name drop, et une recette, elle est au final l'exact inverse de la pédante et problématique Chef's Table tant adulée.

Je suis une spectatrice enthousiaste mais critique, en particulier concernant tout ce qui touche à l'univers culinaire. The Bear une des meilleure fiction que j'ai vu dans le genre, au niveau de Boiling Point (film en plan-séquence qui suit un service dans un restaurant dont je vous parlais dans mon best of 2021). Un de mes rares 10/10 sur imdb. 

2 commentaires:

  1. Bonjour, et merci pour cette recommandation alléchante !
    Petite question, une solution autre qu'Hulu pour la visionner ? impossible de souscrire de France (même avec un VPN us, il faut un moyen de paiement us...) merci
    Bonne journée caniculaire ;)
    Alice

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    1. Être une piratesse est ma solution...

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