Je n'ai pas souvent mis les pieds dans les salles obscures cette année, mais les quelques films que j'y ai vu méritaient l'écran le plus grand possible. D'autres films listés ici ne datent pas de 2024 mais je les ai découverts cette année. Faire cette liste ne m'a pas donné l'impression d'une année flamboyante, mais je suis très enthousiaste de ces films là, 2 ne sont là que pour le charme de leur histoire. Les autres ont tous des formes qui m'ont ravie et inspirée.
(Promis, je travaille dur sur ma liste de séries 2023-2024.)
The Substance
Coralie Fargeat, 2024, 9/10 ☆Si vous ne supportez pas le gore monstrueux, passez votre chemin. Mais ce serait dommage. Les deux actrices qui incarnent le rôle principal sont extraordinaires. L'histoire unique. Le propos percutant. Et c'est admirablement filmé, mis en scène, les décors sont dingues, la musique aggrave les images avec brio. C'est la première fois que je voyais un film de Coraline Fargeat, je vais suivre sa carrière de près.
Il y a eu des critiques féministes que je n'ai pas compris, qui parlaient de "male gaze" alors que ce film est pour moi une critique féroce de ces mêmes mâles qui détiennent le pouvoir à Hollywood, et justement de ce male gaze dans lequel les corps des femmes ne peuvent pas vieillir ou avoir la moindre faille visible. On voit des rides autant que de très jeunes fesses lisses et filmées de près car c'est le propos même du film. Et Demi Moore en star vieillissante prête à tout pour durer encore un peu se laisse torturer et filmer jusqu'à des niveaux d'horreur physique et de violence mentale abominables. Encore une fois, c'est le propos et fait avec talent.
Je n'ai jamais rien vu de pareil. Je ne pense pas que ce film aurait pu être fait de cette manière là à un autre moment que maintenant. Je pense qu'il doit être vu.
Je n'ai plus mangé de crevettes depuis ce film. (Vous comprendrez en voyant cette scène immonde de Dennis Quaid qui mange.)
Emilia Perez
Jacques Audiard, 2024, 9/10 ☆
Il m'a fallu 20 bonnes minutes pour entrer dans ce film qui ne ressemble à rien. Jusqu'à ce que je comprenne que c'est un opéra impressionniste qui joue avec les genres pour perturber qui l'observe, et que je m'y laisse prendre.
Une autre raison qui a rendu difficile d'entrer dans le film est que je parle espagnol couramment. Or aucune des trois actrices principales n'a un accent mexicain, et l'espagnol de Selena Gomez est hésitant et formel, mais pas mexicain dans la forme. C'est assez difficile au début, jusqu'à ce qu'on comprenne que rien n'est réaliste et qu'on s'en fiche. En tout cas moi, mais je comprends tous les hispanophones qui ont eu du mal à s'affranchir de ce melting pot qui ne veut rien dire.
Je sais que beaucoup beaucoup beaucoup de gens n'aiment pas ce film et n'y ont rien compris. Leurs critiques formelles (je reviens sur les autres critiques culturelles ci-dessous) sont un peu absurdes car iels n'ont souvent simplement pas du tout compris la forme de ce film. (Ce qui est compréhensible car il est très difficile de le comparer à quoi que ce soit.)
C'est l'histoire du boss d'un cartel mexicain qui fait appel à une avocate pour l'aider à disparaitre et à mettre à l'abris son épouse et ses enfants. Ce boss fait rapidement son coming out trans (ce que j'ai eu le plaisir de découvrir en voyant le film, mais je ne crois plus que ce soit possible vu le gigantesque discours autour). En faisant sa transition, Emilia Perez échappe à son passé, tout en retenant tous ses privilèges de pouvoir grâce à sa fortune. Après quelques temps, elle fait à nouveau appel à son avocate afin de rapatrier son épouse et ses enfants (qui ne la reconnaissent pas), et monter une association pour retrouver les tombes des personnes disparues, un fléau causé par la violence des cartels, comme une tentative de réparer une partie des dégâts créés dans son ancienne vie.
Il y a des séquences chantées, que j'ai personnellement adoré: c'est un opéra. Des séquences mises en scène de manière flamboyante à la limite du ridicule. D'autres séquences plus réalistes sans jamais l'être vraiment. Le mélange des genres est déroutant mais exaltant. La séquence la plus critiquée est probablement ma préférée: la visite de l'avocate dans une clinique de chirurgie, en chanson, où une suite d'opérations de réassignation de genre et/ou esthétiques est énumérée avec joie et fracas. C'est baroque et excitant. C'est affirmatif et montre en même temps les privilèges de richesse dont bénéficie la protagoniste.
Une des critiques est que ce film "incarne tous les préjugés maladroits envers les transitions de genre" alors oui, c'est bourré de cliché, mais en même temps, c'est l'histoire sur grand écran d'une femme trans riche, puissante et privilégiée (ce qui est en soi peu réaliste si on oublie Caitlyn Jenner...). Et pas une seconde de ce film ne prétend être réaliste ni authentique. Et une actrice trans est au centre de ce film et est la première personne trans nommée pour un Oscar, ce n'est pas rien. Je comprends la frustration des personnes trans qui ne se reconnaissent pas dans ce portrait, on est très loin de la représentation idéale, mais ce n'était pas du tout le propos. Et je réitère mon amour pour la chanson "chirurgie" qui est du pur culot, qui a dû horrifier un grand nombre de transphobes et qui m'a fait ronronner de plaisir.
En plus de la langue et des clichés trans, beaucoup de Mexicains ont critiqués ce film pour son manque d'authenticité, la critique est totalement valide, sauf que ce film n'est pas du tout réaliste et prouve son excentrisme formel dès le début, again, c'est un opéra et ça se voit. Bien sûr qu'une femme ne travaille pas avec son laptop et n'imprime pas de documents dans un marché de nuit, mais qui a pu penser une seconde que cette scène était sensée documenter une pratique réaliste?
La seule critique à laquelle je peux adhérer c'est que ce film traite d'une des crises humanitaires les plus graves du monde, les disparitions massives, de manière frivole, comme un petit morceau de contexte. Ces horreurs qui continuent aujourd'hui et la violence dont sont victimes les Mexicains et en particulier les Mexicaines méritent d'être mises en lumière et dénoncées internationalement. Mais certaines associations de proches de disparus disent elles que tout le bruit autour du film permet au moins de parler de cette crise des disparitions.
Bref, je termine en vous encourageant à voir ce film qui ne ressemble à aucun autre, et avec les mots du réalisateur mexicain Guillermo del Toro: critiquer l'irréalisme de Emilia Perez c'est critiquer l'irréalisme d'Un Américain à Paris.
Vesper
Kristina Buozyte et Bruno Samper, 2022, 9/10☆
Ce film a fait très peu parler de lui et je ne comprends pas pourquoi, il est unique et merveilleux! Vesper, 13 ans, apprend à survivre dans un monde post apocalyptique, grâce à ses talents pour le bio-hacking. L'univers très humide et végétal m'a enchanté, l'actrice principale est elphique, les adultes sont affreux. Je n'ai vraiment pas envie de vous en dire trop car c'est une vraie gourmandise de découvrir l'univers, les personnages et l'histoire. Un classique instantané dans le genre film d'ado/enfants et catastrophe/apocalypse.
Dune part two
Denis Villeneuve, 2024, 9/10☆
Je fais partie des hérétiques qui préfèrent Blade Runner 2049 à l'original (même Denis Villeneuve n'est pas d'accord avec moi), qui ont adoré Dune part one (sauf la phrase finale) et Arrival, l'attente était très haute et je n'ai pas été déçue. Bordel que c'est beau! Tout a été dit et écrit sur ces deux films, je vous épargne mes pensées non originales. Juste wahou.
Wicked
Jon M. Chu, 2024, 8/10☆
Je ne pensais pas être le public de ce film, mais j'ai pris un gigantesque plaisir à le voir, trois fois.
Quand Barbie (le film) est sorti, aller le voir et l'aimer était critiqué comme s'abaisser au mainstream capitalisme. Sauf que Barbie réussissait l'exploit de tenir un discours féministe dans ce mainstream, il faut des talents d'équilibristes inédits. Pour Wicked c'est l'adaptation d'une comédie musicale extrêmement attendue car très long succès à Broadway et prequel au culte Magicien d'Oz, il était impossible de ne pas décevoir. Mais le réalisateur réussi non seulement à ne pas décevoir les fans, à en créer de nouveaux (dont moi) et à aborder le racisme et les LGBTIQA*phobies avec talent, flamboyance et mélancolie. L'équilibre est réussi!
Quand le Professeur chèvre (qui a la voix de Tyron Lannister, parfait casting) subit des discriminations, c'est celle qui a la peau verte qui tente de réagir. Quand son amie-alliée l'accompagne, elle n'y va pas jusqu'au bout. Notre héroïne dont on apprend la mort au début du film va devenir la Wicked Witch of the West par déception d'être constamment autarcisée et profond sentiment d'injustice pour les animaux qu'elle essaie de défendre.
Mais ce n'est que le sous-texte, ce qu'on a sous les yeux, et dans les oreilles, est magnifique. Les décors sont incroyables, et beaucoup plus "vrais" que ce que l'on pourrait croire, eux seuls mériteraient un déplacement vers grand écran! Les costumes sont somptueux. Le casting est parfait. La crétinerie est assumée. La flamboyance monnaie courante. Et les chaussures rouges frappent trois fois des talons.
La scène finale, extraordinaire, avec sa fameuse chanson Defying Gravity, me prend aux tripes à chaque fois. Je me réjouis infiniment de la suite. Faites vous plaisir: aller dévorer cette merveille sur grand écran tant que vous le pouvez.
Lee
Ellen Kuras, 2023, 8/10☆
Kate Winslet s'est battue pendant 10 ans pour que ce film autour de la photographe Lee Miller se fasse. Elle l'incarne magnifiquement. Le film ne couvre qu'une partie de sa vie, celle de correspondante de guerre. Mais la vie de Lee Miller est tellement plus que ça, ce film le survole légèrement. Mannequin, participante du mouvement surréaliste (et pas seulement en égérie), photographe, reporter, mère de famille, ses multiples talents et sa vie tumultueuse sont fascinants. Je l'avais un peu mieux découverte quand Margaux Brugvin avait fait son portrait. J'aurais voulu un film encore plus dur, plus long, mais en entendant les luttes de Winslet pour le faire se réaliser, avec un budget mini, je comprends que ce n'était pas possible. Je lui en suis d'autant plus reconnaissante de nous offrir ce portrait d'une artiste fascinante qui ne mérite pas qu'on parle d'elle comme d'une "muse de *insérer un artiste célèbre*". Merci Kate.
The Unbearable Weight of Massive Talent
Tom Gormicam, 2022, 7/10☆
C'est la première fois que je regarde un film pour comprendre un mème. J'ai bien fait. Je n'ai pas vu un tel niveau de géniale crétinerie depuis des années. Imaginez: Nicolas Cage incarne Nicolas Cage, un acteur vieillissant dont la carrière est essoufflée depuis longtemps, dont la famille se moque gentiment, au bout du rouleau. Un inconnu (Pedro Pascal) lui fait une proposition de job un peu étrange et il le rejoint dans sa gigantesque villa. Je vous passe les rebondissements absurdes mais sachez entre autres que l'inconnu n'est pas qui il semble être, mais il est par contre très très très sérieusement fan de Nicolas Cage, et vu son pognon il s'est offert une pièce entière d'objets autour de la carrière de Nicolas Cage, que Nicolas Cage va découvrir, c'est TELLEMENT DÉBILE ce moment, j'en ris encore rien que d'y penser. Oui, les pistolets en or vont servir à un moment.
Le niveau magistral de crétinerie est très bien accompagné d'un rythme de film d'action. Pas besoin de vous dire que j'ai adoré le casting. Un silly feel good movie. (Et même si j'ai tant vu d'histoires d'hommes que plusieurs mecs sur une affiche me font un effet repoussoir, je suis ravie d'avoir fait une exception pour celui-ci.)
La Brigade
Louis-Julien Petit, 2022, 7/10☆
Si je ne tenais pas à jour une liste de films culinaires, ce petit bijou m'aurait échappé. Cathy Marie est une sous-cheffe un peu caractérielle qui se fait embaucher par malentendu dans un foyer d'accueil d'immigrés mineurs non accompagnés en attente de papier. Ce pitch pourrait être catastropique s'il était réalisé en mode comédie franchouillarde. Mais le casting de jeunes qui entourent Audrey Lamy m'a fait fondre. Les personnages sont très bien écrits et leurs interprètes irrésistibles. Si la cuisine est le prétexte, les liens humains font marcher cette histoire. J'aurais voulu moins de clichés et plus d'approfondissement des personnages des jeunes, mais ça se laisse voir avec gourmandise.
Die Alone
Lowell Dean, 2024, 7/10☆
Quand j'ai repris mes notes IMDB pour récupérer les meilleures et construire cette liste, j'étais étonnée de retrouver ce film qui n'est pas inoubliable, puis je me suis souvenue pourquoi je l'ai aussi bien noté. (7/10 c'est très très haut pour moi).
L'intrigue. Je n'ai pas du tout deviné le twist. Ce qui m'arrive très rarement. Et pourtant les indices sont là et bien visibles, mais je n'ai rien vu. Et je ne m'y attendais vraiment pas. Le twist n'intervient pas à la toute fin du film mais plutôt vers le milieu et offre un deuxième point de vue tout à fait surprenant.
L'univers visuel. Je suis fan de zombies et films postapocalyptiques. Sans être une révélation complète, cet univers est très réaliste et cohérent, ce qui le rend désagréable et donc parfait.
Afin de vous laisser en profiter dans les mêmes conditions que moi, je ne vous en dis pas plus, mais si vous aimez ces univers, vous aimerez ce film. Bonus: Carrie-Ann Moss <3
Disclaimer: films que je n’ai pas encore vus
- Perfect Days
- The Brutalist
- Flow
- A Different Man
- Queer
- Kinds of Kindness
- Nosferatu
- Sometimes I Think about dying
Bonus: films auxquels j’ai mis des notes plus basses mais que je recommande néanmoins
- A Real Pain
- Civil War
- I saw the TV Glow
- Furiosa
- Woman of the Hour
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