Plusieurs personnes autour de moi doivent limiter leur consommation de sel pour des raisons de santé. Mais limiter ne veut pas dire éliminer. (Si votre condition de santé dit d'éliminer le sel, seul mon 5e conseil vous sera utile.)
Comment faire pour drastiquement baisser le sel dans notre quotidien sans perdre goût à la vie?
5 conseils pratiques que j'ai développé en cuisine pour baisser sans quantité de sel sans déprimer.
1. Limiter les sels cachés
Pour baisser le sel, il faut commencer par comprendre combien on en consomme. Or tous les aliments transformés contiennent du sel. (Les exceptions sont extraordinairement rares: les pâtes sèches italiennes -mais pas les ramens-, certaines conserves ou bocaux de légumes -à vérifier sur l'étiquette, etc.) Et quand je dis "transformés" je veux dire dès le pain, 4 ingrédients: farine, eau, levure, sel. Le sel est en petite quantité, mais il est bien là. (Définition* plus complète en bas de cet article.)
Quand on passe aux aliments à plus de 5 ingrédients et/ou ultratransformés, les quantités de sel peuvent devenir prodigieuses. Normal, le sel est un exhausteur de goût. On pense évidemment aux chips, mais il y a parfois autant voir plus de sel dans des produits cuisinés. Ces produits peuvent être complètement évités quand on a le temps de cuisiner. Et sinon, il faut s'armer d'une loupe, ou faire ses courses en ligne, pour avoir le temps de lire les étiquettes. (C'est long au début, mais quand on a trouvé une gamme de produits qui nous convient et compris le jargon, ensuite c'est aussi rapide que des courses normales!)
2. Éviter les aliments les plus salés
Il existe plein de listes exhaustives, mais je vous la fait courte: les bouillons déshydratés (y compris et en particulier ceux des ramen instantanés), la sauce soja et la fish sauce, la charcuterie, les poissons fumés et les anchois, les câpres et les olives, les fromages affinés, les condiments (moutarde, ketchup, sauces piquantes etc.)
Attention, certaines alternatives vegan aux viandes, charcuteries, fromages ou poisson, sont autant voire plus salées que les originales!
3. Trouver des alternatives moins salées
La sauce soja avec moins de sel est tout autant umami avec 40 à 50% moins de sel. Certains bouillons indus "moins salés" ont fait un vrai boulot pour réduire le sel (en ajoutant du MSG). Les anchois peuvent être habilement remplacés par des sardines. Certains fromages frais ne comportent presque aucun sel (vérifiez sur l'étiquette!). Attention toutefois, certaines alternatives moins salées sont parfois plus grasses et plus sucrées. Et inversement, des produits moins sucrés ou moins gras seront souvent beaucoup plus salés, car il faut conserver du goût.
Vous pouvez aussi apprendre à faire certaines préparations maison, en maîtrisant les quantités de sel: bouillon à congeler en cubes, ketchup, mayonnaise et moutarde c'est assez facile. Pour les crackers, chips et sushis il faut un peu d'entrainement ou de matériel, mais on apprend vite. À vous de voir ce qui vous manque le plus, je vous garantis que vous trouverez une recette en ligne.
Enfin, vous pouvez aussi baisser le sel avec des astuces pratiques toute simples et gourmandes. Par exemple: beaucoup de sauces ou condiments peuvent être imités ou mélangés à d'autres ingrédients frais pour baisser la quantité qu'on consomme sans perdre aucun plaisir. L'astuce est de repérer l'ingrédient le plus salé, et de réfléchir à ce qui pourrait l'accompagner ou le remplacer lui. Quand on a quelques idées, ce remplacement va fonctionner dans plein de plats!
Essayez:
- Au lieu de tremper vos sushis dans de la sauce soja, utilisez un mélange moitié sauce soja réduite en sel et moitié jus de citron (un genre de fausse sauce ponzu instantanée), ce qui réduit le sel de 75% d'un coup (et c'est très bon).
- En remplacement d'une montagne de parmesan sur vos pâtes, utilisez une quenelle de chèvre frais, super crémeux et le contraste chaud-froid fait merveille.
4. Comprendre comment fonctionne le sel en cuisine
Dans certaines recettes, on vous dit de saler au début, au milieu, et de rectifier à la fin. Et est-ce que ces quantités de sel sont simplement additionnées?
Pourquoi on sale à différents moments?
Les aliments qu'on sale au début, voir même avant une cuisson: il s'agit de les saler à cœur et/ou d'extraire de l'eau de l'aliment pour le concentrer en goût. Saler à cœur veut dire que le sel va pénétrer l'aliment, car on le laisse agir jusqu'à ce qu'il ait fait son travail.
Par exemple des tomates en été, on coupe en tranches, on sale abondamment, on attend 30 minutes, on éponge. Est-ce que ces tomates sont donc très salées? Non, car la grande majorité du sel va se concentrer dans l'eau de végétation extraite des tranches de tomates, il finit donc dans l'évier, d'où l'importance d'éponger. Saler des tomates aqueuses juste avant de les manger va paradoxalement nous donner envie de plus de sel, car leur goût (de la tomate avec toute son eau) sera moins concentré. Mais la meilleure solution sera bien sûr une tomate parfaitement mûre, juste cueillie d'une variété ancienne qui se suffit à elle-même.
On sale aussi le poulet 30 minutes avant de le cuire, puis on l'éponge. Ici aussi le sel extrait un peu d'eau du poulet qui sera épongée, mais le reste pénètre profondément dans la chair. En utilisant un peu de sel à cette étape, on aura un aliment bien assaisonné mais avec une plus petite quantité qu'en ajoutant du sel en fin de cuisson.
Parfois on sale à un moment particulier de la cuisson pour faire sortir l'eau d'un ingrédient, par exemple des oignons ou des champignons, ça accélère la cuisson. Mais on peut aussi cuire plus longtemps, ils finissent par caraméliser sans sel. Une autre astuce est de commencer avec un peu d'eau et d'huile au fond de la poêle, l'eau ajoutée va permettre à l'eau des aliments de s'évaporer, et l'huile qui restera finira de griller/colorer les aliments. Sans sel mais avec du goût!
J'ai fait des articles sur la cuisson du riz et des pâtes et de l'importance de les saler correctement (c'est-à-dire au bon moment et la bonne quantité). Des pâtes dans une eau de cuisson non salée vont souvent nous provoquer l'envie d'augmenter le sel de la sauce et de rajouter encore plus de parmesan (hyper salé). Donc contre-intuitivement saler l'eau de cuisson des pâtes (dont la majorité passe dans l'évier) pour une sauce plus légère en sel et se passer de parmesan limite grandement le sel. Pour le riz, utiliser des épices dans l'eau de cuisson vous permet de ne pas le saler. Il sera un peu fade au début, mais on s'habitude vite. Ici vous pouvez aussi tenter une toute petite quantité de bouillon en poudre à teneur réduite en sel.
En fait, le moment où on ajoute le plus de sel qui finira directement dans notre corps, c'est tout à la fin, les sels de finitions, dont on apprend très vite à se passer. Ou pire: la salière sur la table, à proscrire immédiatement.
5. Utiliser les autres goûts pour équilibrer
Si vous avez lu mon article sur l'umami, vous savez que sa perception est décuplée quand on mélange des sources des différentes molécules de base (glutamate, inosinate, guanylate). Pour le sel c'est un peu la même chose. Quand un plat parait un peu fade et qu'on n'est pas professionnel, on a tendance à ajouter du sel et/ou à le manger avec des condiments. Mais dans la grande majorité des cas, ce qui manque à votre plat, c'est de l'acide !
Offrez vous des agrumes et des vinaigres, et jouez avec, votre cuisine va en être transformée (et moins salée). C'est aussi physique, au niveau des capteurs de saveurs de la langue: le sel et l'acide se complimentent. On les ressent plus quand l'autre élément est présent, comme pour les molécules d'umami: un plat qui manque d'acidité va paraitre peu salé.
Essayez un trait de vinaigre de vin blanc dans un papet, ou de vinaigre balsamique dans une soupe à la courge, du jus de citron en finition sur un poisson ou du poulet grillés, ou de la mélasse de grenade (très acidulée) sur des légumes rôtis. L'acide est sous-utilisé dans les cuisines européennes et américaines. Il change tout.
Mais n'oubliez pas les autres goûts: le sucre arrondit et approfondit, l'amer réveille et contraste, et l'umami fait saliver, même s'il n'y a pas de sel. Le MSG est votre ami, attention, il contient quand même 12% de sodium, mais fait autant saliver. À utiliser à la place de votre salière quand "il manque un petit quelque chose". (Facile à trouver dans n'importe quelle épicerie asiatique.)
Et comme on parle de perception, n'oubliez pas que le goût est culturel et s'éduque. Les pâtisseries US sont beaucoup trop sucrées et vanillées pour nos palais européens. On peut se déshabituer du sel de la même manière, en réduisant les sources principales d'abord, puis en baissant la quantité régulièrement. Et s'habituant à équilibrer un plat avec d'autres saveurs quand une recette dit "rectifier l'assaisonnement". Et en quelques mois, des aliments non salés ne vous paraitront plus fades !
Si vous êtes dans la situation de devoir (ou vouloir) réduire le sel mais que vous peinez pour un plat ou un aliment, posez la question en commentaire, on pourra réfléchir ensemble !
Attention : tous ces conseils sont de simple bon sens, pas des conseils médicaux. L'idéal est de se faire suivre par un•e nutritionniste qui connaitra vraiment vos habitudes et cultures alimentaires personnelles et pourra quantifier votre rapport au sel en adéquation avec votre situation médicale.
* Définition
- Aliment brut: 1 ingrédient, l'aliment lui-même
- Aliment transformé: plusieurs ingrédients, processus qui pourrait être fait dans une cuisine normale (pâtes sèches, pain, coulis de tomate, etc.)
- Aliment ultratransformé: aliments qui contient des ingrédients qu'on ne trouve pas dans une cuisine ou un magasin d'alimentation de base, par exemple des stabilisateurs, émulsifiants, humectants, etc. (la joyeuse famille des E, mais parfois les fabricants ne mettent pas le nom avec le E et utilisent le nom de l'ingrédients pour des raisons de marketing, ça fait moins peur que le E...).
Merci pour ces conseils très pratiques et de bon sens !! :DD
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