13/12/2022

Mon best of séries 2022

Depuis quelques années, il m'est beaucoup plus difficile de faire un best of séries que cinéma. Peut-être parce qu'il est plus difficile de juger un corpus plus étendu, avec des arcs narratifs qui courent parfois sur de multiples saisons. Pour ne pas subir de panne de plume face à la montagne de contenu existant, je me suis mis un cadre : parler de premières saisons, sorties dans l'année. Et ne parler que de ce qui me plait, on n'a pas de temps à perdre avec le reste. Et même avec ce cadre imposé, c'est article est long. Très long. Mais imaginez qu'il m'a pris beaucoup plus de temps à écrire que vous à le lire.

Ce qui me ferait le plus plaisir, c'est que si vous voyez une série grâce à cette article, vous veniez m'en parler. Soit ici en commentaire, soit sur instagram ou mastodon. C'est ce qui me motive à continuer !

Et maintenant, plongeons la tête la première dans mes coups de coeurs 2022. Brace yourselves, il y en a de tous les genres, c'est parti pour mon top 10 des séries 2022.



The Bear 

Je vous en ai déjà parlé en détails ici. 6 mois plus tard, cette série reste mon coup de coeur et mon coup de poing pour 2022. Si c'était uniquement le côté culinaire, elle ne resterait pas aussi fortement dans mon esprit. Tout est bon dans The Bear. Mangez-en.
Toutes les personnes qui se sont laissées tenter depuis mon premier article m'ont remerciée depuis. Si vous ne devez en voir qu'une de cette liste, c'est celle-ci.



Andor

Mon film de la saga Star Wars préféré est Rogue One. Suivi de l'Empire Contre-Attaque, bien sûr, mais c'est Rogue One. Quand ils ont commencé à produire aussi des séries, j'étais ravie. Je ne pensais pas que ce serait formidable, mais un bon divertissement, et qu'on reviendrait au cinéma pour des vraies histoires. Sauf que si The Mandolorian est fun, grâce à The Child, mais aussi grâce au stratagème de une planète par épisode et à un personnage principal intriguant dont on a envie d'en savoir plus, ça reste très répétitif et l'excitation de bébé yoda mise à part, je me suis assez vite ennuyée. (D'ailleurs j'ai une question à vous soumettre : The Child est-il un McGuffin ?) 

Puis il y a eu The Book of Bobba Fett, où je n'ai pas tenu 2 épisodes, et Obi-Wan où je n'ai même pas fini le premier. Ennui profond.

J'avais donc très peu d'espoir pour Andor, mais à sa sortie, tout le monde était surpris de trouver le premier épisode aussi bien. Je l'ai donc regardé, et dès la première séquence j'ai su que celle-ci serait différente. C'est une question de textures. On est dans une séquence de nuit, il pleut, et c'est rugueux. Les murs sont rugueux, les personnages sont rugueux, l'histoire est rugueuse. C'est complexe et on ne sait pas où on va. Les luttes de classes font partie intégrante de l'histoire, c'est l'enjeu principal qui fait avancer le scénario, et qui collent aux questions d'Empire et de Rébellion, mais de manière beaucoup plus complexe que sabre bleu = gentil, sabre rouge = méchant. La planète où vit notre protagoniste est faite de bric et de broc très bien organisés, elle est habitée par des réparateurs, vendeurs, revendeurs. La planète dont il est originaire est une planète minière, avec les violences économiques profondes que ça engendre sur les humains exploités. La planète du braquage est une planète avec des indigènes colonisés par l'Empire qui vient en retirer des manières premières et dont les rites sont moqués. Et tout ça n'est pas expliqué, mais suggéré, en décor, grâce aux caractères et costumes des personnages. C'est un univers en soi, en périphérie des histoires de Jedi et Princesses, on est avec le peuple. Des deux côtés d'ailleurs, le peuple qui lutte contre et celleux qui se sont engagés pour l'Empire.

C'est cette texture qui fait terriblement défaut au reste de l'univers Star Wars qui fait le charme et l'intelligence de Andor. Cette série m'a fait penser à The Expanse, et c'est le plus beau compliment que je puisse faire à une série SF.

Impossible de deviner où ils veulent en venir avec leur histoire, ce qui est tellement rare ces temps. Et pourtant on sait la fin du personnage... Rogue One. Encore !



Drôle

Je suis tombée amoureuse de Nezir. Le personnage principal, incarné merveilleusement par Younes Boucif qui commence à recevoir des prix très mérités, mais ce n'est pas assez, il mérite des ovations. Dans Drôle on suit Nezir, qui fait du stand up, s'occupe de son père, et fait des livraisons pour gagner sa vie. Autour de lui d'autres comédiens de stand up qui tentent de percer, dont la brillante Aïssatou (excellente Mariama Gueye), Bling, qui a été connu et qui tient le club où ils se produisent tous mais qui n'arrive plus à écrire, Apolline qui débute et vient d'un milieu bourgeois très loin de tous les autres. Très amusant d'ailleurs de faire de la bourge l'outsider plutôt que l'inverse habituel du cinéma français.

Tous les personnages sont complexes et touchants, même si plein de défauts (sauf Nezir, ne touchez pas à Nezir, ne critiquez pas Nezir ou je mords). Et c'est très très très bien écrit. La scénariste principale (Fanny Herrero) et créatrice de la série s'est entourée de comédien·ne·s de stand up et on reconnait parfois leur style dans certaines blagues (par exemple Thomas Wiesel et Marina Rollman). C'est aussi très bien réalisé et monté. On y croit, on est avec elleux, on les aime. Surtout Nezir.

C'est difficile d'en dire plus car c'est joli à découvrir, mais ne ratez pas cette pépite. Netflix a fait une grave erreur en ne renouvelant pas cette série. Une merveille. Rien que d'écrire ces paragraphes ça me donne envie de la revoir une 3e fois. (Ce que j'ai fait depuis cette phrase, irrésistible.)



Station Eleven

Techniquement sortie fin 2021, mais vue par beaucoup en 2022, Station Eleven est tirée d'un roman d'anticipation qui prédisait une pandémie qui exterminait une gigantesque majorité de la population mondiale et raconte l'après. Comment et quoi reconstruire comme société avec les vestiges de la précédente. Sur quelles bases ? Avec qui ? Quand toutes les familles sont décimées, comment grandir et se faire une place, comment imaginer le futur ? C'est pleine de ces questionnements que Kristen Raymonde nous emmène dans son monde. Incarnée par Mathilda Lawler (enfant) et Mackenzie Davis (adulte, extraordinaire), on suit son parcours depuis la soirée avant la pandémie, jusqu'à un moment de retrouvaille très particulier. Mais il vaut mieux découvrir cette histoire sans en savoir plus.

Et s'y plonger avec étonnement, curiosité, et grand bonheur pour toutes les trouvailles pratiques et visuelles qui rendent cet univers dystopique crédible et cohérent. C'est la grande force de cette série et un vrai plaisir pour qui aime scruter l'image. Et c'est enfin une dystopie où tout ne se règle pas à coup d'armes à feu et de pétrole. Poétique mais parfois brutale, très imaginative, complexe mais cohérente, cette série mérite d'être vue et revue. On n'en a pas assez parlé. Faites-vous plaisir, partez à la rencontre de Kristen Raymonde.



The English

Une Anglaise récemment débarquée sur le continent et un Pawnee fraichement libéré de ses services dans la cavalerie US se retrouvent à faire chemin ensemble dans un far west aux grands paysages comme on veut voir dans tout western qui se respecte. Les lumières sont extraordinaires, le casting est parfait, la musique au top. J'ai été surprise par cette mini-série que je n'attendais pas. Elle tient sur les épaules de Emily Blunt et Chaske Spencer qui la portent haut et loin. J'ai toujours aimé les westerns mais ils manquent tous cruellement de rôles différents du cowboy blanc. Voir cette série, Nope quelques semaines plus tôt et lire Mille femmes blanches de Jim Fergus ce printemps (que je recommande vivement) a donnée à cette année une nouvelle manière de pouvoir profiter de ces grands espaces.

Le scénario parait convenu mais il réussit à nous surprendre plusieurs fois, et la réinvention de relations nécessaires quand les codes de la société civilisées sont si loin est passionnante. Si vous avez besoin d'évasion, foncez. Et le générique en papier déchiré ci-dessus (pour ne rien vous dévoiler d'autre) est juste sublime.



I-sang-ha byeon-ho-sa U-yeong-u - Extraordinary Attorney Woo

C'est Isabelle qui m'a conseillé cette série coréenne sur une jeune avocate autiste. Le sujet est casse-gueule, l'autisme est rarement représenté à l'écran, et encore plus rarement bien représenté. Encore moins quand il s'agit de femmes sur le spectre autistique. Cette série réussit brillamment à le faire, avec humour, émotion et intelligence. Maître Woo trouve enfin un poste dans une étude d'avocat après ses études en droit, et tous ses collaborateurs vont devoir s'habituer à cette femme dont la neuroatypicité bouleverse les codes relationnels, mais qui est si talentueuse qu'elle est un atout indéniable.

J'adore comme les baleines, sa passion qui l'aide à se concentrer quand elle est face à un défi, sont visualisées. Je vous ai mis le générique pour que vous profitiez de cette poésie, mais sachez que la série est réalisée de manière réaliste, à part ces quelques incursions dans sa structure mentale quand il s'agit de résoudre un cas compliqué. L'actrice est extraordinairement attachante bien sûr, sinon ça ne marcherait pas, mais je trouve que la série fonctionne surtout car la chorale qui l'entoure est parfaite. Des collègues à la meilleure amie et au père, leurs réactions nous permet de nous interroger sur les nôtres. Même si la série fait tout pour nous mettre à sa place à elle. 

J'ai adoré cette série unique, et je vous recommande de vous y plonger, surtout si vous avez une source de kimbap, sinon il va faire faim. (Sinon vous pouvez apprendre à les faire, c'est aussi simple que des makis, avec quelques ingrédients de différence.)




Severance 

Imaginez qu'on puisse, pour des raisons de confidentialité par exemple, n'avoir aucun souvenir de ce qu'on fait au travail quand on en sort. Une même personne, avec deux mémoires, une pour la vie au bureau, une pour la vie à l'extérieur. Deux mémoires non connectées. Au travail, vous ne savez pas si vous êtes marié, si vous êtes en plein deuil, ou si vous avez des enfants. Dès que vous en sortez vous ne savez pas ce que vous y avez fait, aucun soucis de boulot qui reste dans la tête. C'est le principe de Severance. Qui pose évidemment la question de l'aliénation du monde professionnel. En poussant le bouchon beaucoup beaucoup beaucoup trop loin.

Dis comme ça, je n'aurais aucune envie de la regarder, mais cette série défie tout ce qu'on pourrait en imaginer. Je ne suis même pas sûre de l'avoir comprise. Mais peut-on vraiment la comprendre ? Elle fascine en nous plongeant dans un univers que l'on reconnait sans peine mais qui ne ressemble pas au nôtre. Ou seulement quand on cligne des yeux et que cette dystopie pourrait être de nos cauchemars. En tout cas des miens. Je ne sais pas comment on peut supporter cette série si on bosse dans un bureau de 9h à 17h, ce n'est plus mon cas, mais le malaise puissant et mené avec talent ressenti en la regardant me rappelle des sensations beaucoup trop familières.

En me lisant on pourrait croire que c'est uniquement sombre, ce n'est pas le cas, il y a des moments d'humour, souvent absurde, inoubliables. En grande partie grâce au casting de surdoués que sont Adam Scott, Britt Lower, John Turturro devant la caméra et Ben Stiller à la réalisation. Est-ce agréable à regarder : non. Est-ce brillant, unique, drôle, malaisant, cringe, grinçant, éprouvant et bourré de talent : oui.



The Wheel of Time

Issue d'une saga littéraire à très grand succès, la série fantasy The Wheel of Time a fait beaucoup moins de bruit qu'elle n'aurait dû. J'en ai entendu parler quand les youtubeuse cosplay et costume historiques ont commencé à s'en inspirer pour leurs créations, en particulier Bernadette Banner, qui en parlait avec tant de joie et d'excitation que j'ai commencé le premier épisode et enchaîné fascinée. 

L'avantage d'un univers d'une telle richesse et complexité c'est que les adaptations doivent pouvoir montrer rapidement ce qui se passe, donc l'univers visuel est très soigné. Dans The Wheel of Time, la magie est opérée par des femmes, organisées dans l'ordre des Aes Sedai, mais une légende veut qu'un jour la réincarnation de celui qu'on appelait le Dragon pourrait la maitriser et bouleversera l'équilibre. Moraine (parfaite Rosamund Pike) est à la recherche des signes de cette réincarnation. On se trouve dans un monde qui ressemble à la fin de notre Moyen Âge, on pense évidemment au Seigneur des Anneaux, mais aussi à Game of Thrones ou à l'Assassin Royal de Robin Hobb, bref, toutes les grandes sagas qui réinventent un âge semblable où les trajets se font à chevaux et des jeunes gens vont devoir affronter des dangers gigantesques. À la différence qu'ici ils ont une guide, et que les Aes Sedai savent ce qu'elles font, car "The Wheel of Time turns, and Ages come and pass. What was, what will be, and what is, may yet fall under the Shadow."

Bref, je suis emballée, et même s'il y a des lenteurs au milieu de la saison j'ai dévoré ces premiers épisodes et découvert cet univers avec délice. S'il n'y avait pas autant de romans j'aurais probablement commencé à les lire (mais il y en a TELLEMENT). Si vous aimez la fantasy, vous l'avez probablement déjà vue, sinon je ne sais pas si vous vivez sous un tas de cailloux, mais foncez.

Et soyons sérieux, c'est quand que quelqu'un s'attaque ENFIN à l'univers de Robin Hobb ?




Wednesday

Critique complète ici

Critique résumée : bravo Jenna Ortega, bravo les dialogues, bravo la direction artistique. Pas bravo le scénario.




D'autres coups de coeurs en vrac pour ne pas dépasser un top 10 :


  • Our Flag Means Death
    Série de pirates, sauf que Taika Waititi est un Blackbeard qui en a un peu marre de sa réputation parce qu'elle est tellement sanglante qu'il n'a plus besoin de combattre, c'est nul, et qu'il devient ami avec le capitaine wanna be pirate Stede Bonnet, gentilhomme qui a emmené à son bord toute sa garde robe et sa bibliothèque, mais qui n'a jamais combattu. Leurs équipages sont aussi peu compétents qu'intelligents, leurs exploits aussi douteux et approximatifs que le carton pâte volontaire des décors qui rajoute à l'hilarité générale du propos. J'avais déjà adoré People of Earth, la précédente série David Jenkins, je ne raterai plus rien de lui. Pour hurler de rire de bêtise et prendre l'humour très au sérieux. (Inspiré de personnages réels, ce qui est encore plus drôle.)

  • Julia
    Biopic sur Julia Child et le début de son épopée télévisée. J'ai beaucoup appris sur cette grande dame de la gastronomie, pionnière de la cuisine ménagère télévisée. Si le scénario et le casting sont excellents, la cinématographie classique et sans surprise fait que cette série n'intéressera probablement que les personnes qui s'intéressent à la narration à la télévision, à la narration culinaire, à Julia Child et à l'histoire de la télévision (ce qui est déjà pas mal.)

  • Heartstopper
    Cette jolie série m'a brisé et réchauffé le coeur à la fois. Je vous ai déjà dit que mon coeur de midinette adore les comédies romantiques, en particulier si elles s'écartent de l'habituel schéma joli garçon-jolie fille. C'est touchant, contemporain, poétique et positif. Ce qui fait du bien. Si vous avez besoin de réconfort sous une couette, c'est pour vous.

  • The Big Brunch
    Ce n'est pas une série au sens strict du terme car ce n'est pas de la fiction, mais il faut voir cette gourmandise. Parce que le créateur de la série est Dan Levy de Schitt's Creek, parce qu'il y a toute sa bienveillance infusée partout partout partout et que c'est exactement ce dont les émissions type concours culinaires ont besoin. Parce que la bienveillance n'est pas molle, ni trop sucrée, au contraire, l'équilibre est parfait ici avec des juges exigeants mais jamais cruels, encourageant mais critiques et précis. Une exception qui donne faim et confiance dans le futur du monde culinaire.


Et pour finir, deux séries qui viennent de commencer et qui sont prometteuses : Willow et Welcome to Chippendales.

5 commentaires:

  1. J'ai essayé de regarder The Bear: ça criait tellement que j'ai abandonné avant la fin du premier épisode. Dommage, le sujet m'intéressait, mais c'était une véritable agression auditive. Drôle, je suis restée devant comme une poule qui aurait trouvé un couteau électrique. Pas fini le premier épisode non plus. Chouchou a évidemment adoré Andor. J'avais oublié l'existence d'une adaptation de Station Eleven, mais j'ai tellement aimé le roman que je sais que ça ne sert à rien de tenter, je ne veux pas toucher à mes images mentales. Je partage ton avis sur Extraordinary attorney Woo (of course) et Heartstopper. Je me tâte pour regarder Our flag means death, mais je sens que ça fera partie de ces séries dont le pitch m'accroche mais pas la réalité. Personnellement, mon Top 3 de l'année contient aussi (en plus d'EAW) The Sandman et Arcane.

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    1. Aaaaaah, j'ai oublié Arcane, je vais vite l'ajouter, j'ai adoré !
      Par contre, The Sandman : impossible. J'ai détesté chaque épisode. Je me suis forcée car tout le monde crie au génie, mais je suis hermétique à cet univers.

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    2. Bah t'as le droit. Si je transpose ça à mon univers littéraire: cet été, tout le monde a dévoré goulument les six tomes de Blackwater alors que j'ai eu du mal à me taper les cent premières pages tellement je trouvais ça chiant. C'est toujours un peu bizarre de ne pas comprendre ce que les autres trouvent de si merveilleux dans une oeuvre globalement encensée, mais bon, on survit :-D

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    3. Ah mais non en fait, je n'ai pas oublié Arcane, la série était dans mon best of 2021, il me semblait bien que j'avais écrit dessus :-)
      https://funambuline.blogspot.com/2022/01/best-of-cinema-serie-2021.html

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  2. Merci pour cette liste, ça me donne des idées vu que je n'ai vu que "The Bear", sur tes conseils. "The English" est prête à être commencée, et je suis tentée aussi par "Wednesday". Pour "Station Eleven", comme Armalite, j'ai tellement adoré le roman que je vais passer mon tour (cette autrice est juste fantastique, son dernier roman fera partie de mon top de l'année en livres - top qui arrive très bientôt sur mon blog).

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