Un avocat tente de faire un procès aux plus grandes banques de Wall Street afin de pouvoir prouver à quel point elles sont directement responsables de la paupérisation accélérée des habitants de Cleveland. Il n'arrive à convaincre aucune cour de justice, alors le réalisateur Jean-Stéphane Bron décide de créer tout de même ce procès, dans une vraie salle de justice, avec un vrai juge et un vrai jury, de vrais avocats, de vrais témoins, etc... Bref, on crée "artificiellement" une réalité qui aurait pu exister. Le procédé est passionnant et novateur. Il interroge le pouvoir du cinéma, l'implication du documentaire sur le réel et de nombreuses autres questions du même genre.
L'argument est très bien mené, sans être didactique et chiant, à travers les différents témoignages (à la barre ou en dehors de la salle du tribunal) on comprend très bien les nombreuses implications du sujet, les personnages sont complexes et multiples, il n'y a aucun angélisme (quoique le point de vue soit tout de même suffisamment clair). J'ai beaucoup aimé la manière dont Bron nous sort de la salle du tribunal parfois, tant dans les simples moments de "respirations" à travers ces longues rues où les maisons sont vides que dans les témoignages extérieurs à la salle, j'ai trouvé le rythme vraiment agréable et abouti et le prologue très bien foutu.
MAIS malheureusement le film (en tant qu'objet film donc) ne m'a pas convaincu. Pourquoi, alors que le procédé de base permet une maîtrise totale : on connaît les lieux (qui deviennent donc des "décors) et les protagonistes, on a libre accès à tout et totale liberté de mouvement... et donc de cadrage, de mouvement de caméra, de lumière, etc... Pourquoi cela n'est-il pas utilisé au maximum de ces capacités. Je pardonne à un documentaire "traditionnel" un cadre maladroit parce que le réal. n'avait probablement pas le choix de poser sa caméra à cet endroit, une lumière bof-bof parce que le réal. n'a pas pu poser des spots, etc... Mais là, pourquoi certains cadres dans la salle du procès sont aussi moches/maladroits ? Pourquoi certains mouvements sont hors focus et très maladroits également ? J'espère sincèrement que c'est juste par maladresse et non par soucis de rajouter une "touche documentaire"... Bref. A de très -trop- nombreux moments j'ai été "sortie" du film par ces erreurs (oui, erreurs, j'assume) formelles qui m'ont empêchée d'être totalement plongée dans cette "histoire" et je le regrette.
Autre déception quant au traitement médiatique qui, en décortiquant et en dévoilant même l'issue du procès, n'a pas fait du bien à ce film. Quel dommage, sous prétexte du genre documentaire, les médias se permettent de dévoiler toutes les intrigues, alors que le suspense du "jugement" final est tout aussi important pour le récit que dans une fiction.
Toutefois, c'est un film à voir, une expérience cinématographique inédite et passionnante, je vous le recommande vivement.
Vu en avant première en présence du réalisateur et j'ai adoré ce film (à voir en complément de "Inside Job" pour un côté plus macro économique).
RépondreSupprimerLe fait de faire une fausse reconstitution mais avec des gens qui sont les personnages (juges, témoins etc) et qui sont en train de vivre ce qu'ils "jouent" (celui qui dit que dans 2 semaines il n'a plus de maison, ben c'est vrai !!), on ne sait plus vraiment si c'est du documentaire ou du cinéma et je trouve que l'idée de Jean-Stéphane Bron de tourner quand même "puisque le procès est ajourné à une date non déterminée" est brillante. En plus il y a un enjeu (même si on joue "pour de la fausse") à savoir "qui est coupable ?"
Au sujet de la partie négative de ta critique, le réalisateur a dit qu'il avait bien entendu chaque intervenant mais il n'y avait pas de texte à proprement parler ni de "on la refait", cela explique peut être les cadres maladroits.
Bien sûr il est de parti pris et on sait vers où il penche. Les "respirations" hors tribunal, comme tu dis, je les trouve aussi intéressantes, mais surtout il y a une progression (du shérif qui vire les gens au vendeur de prêts etc etc) qui ajoute à la tension. L'avocat des méchants est génial dans sa prestation et on se demande vraiment vers quoi va pencher le jury. Là où on touche la limite entre docu et fiction c'est que les gens de Cleveland savent que c'est pour du beurre mais entendent bien utiliser le film suivant ce jugement. Tout le monde se prend au jeu (à tel point que les "ennemis" ne se parlent pas quand la caméra est éteinte et qu'on est dans un cadre plus convivial comme un repas par exemple), on apprend des tas de choses et c'est original. Un film brillant