Tambien la lluvia (Icíar Bollaín, Espagne-France-Mexique, 2010)
Une équipe de cinéma espagnole arrive dans une ville de province de Bolivie pour tourner un film historique sur les premiers colons. Un film dont le scénario s'intéresse enfin à ceux qui ont élevé en premier leurs voix pour tenter d'éviter les massacres d'indigènes au nom de Dieu, avec une réflexion poussée sur l'humanité de ces indigènes-là. Le réalisateur a choisi de venir tourner en Bolivie pour "l'authenticité des visages indiens", ils vont donc recruter de nombreux figurants et même finalement un rôle principal pour leur film où les indigènes ont un rôle important.
Oui, mais voilà, la Bolivie est un pays en crise, où grâce (hum) au FMI et à certains de ces dirigeants, tout est de plus en plus privatisé, entre autres choses, l'eau. Dans un pays où la plupart gagnent l'équivalent de 2$ par jour (y compris les figurants du film), l'eau annuelle pour une famille va revenir à 450$ annuels. Afin de ne pas, littéralement, crever de soif, les boliviens manifestent. Dans cette petite ville de province, le leader de la révolte de l'eau se trouve être celui qui a été engagé pour le rôle principal des indigènes (il a d'ailleurs été engagé pour son charisme).
Non, ne craignez rien, pour l'instant, je n'ai pas spoilé grand chose, je vous ai juste raconté le début du film, et expliqué ses bases. Je vous laisserai découvrir la suite tout seuls. Parce qu'il faut aller voir ce film. C'est une brillante réflexion sur le cinéma, sur la place du réalisateur et du producteur, sur la relation entre les deux, sur la vanité et la lâcheté des acteurs, sur la convoitise des wanna-be réalisateurs de documentaires, sur le cynisme profond de cette industrie qui, sous couvert de vouloir faire passer des messages "humanistes" se comporte comme les pires des colons. C'est également un film sur l'Amérique du Sud, sur le pouvoir de résistance, sur la survie collective, sur la condescendance des "blancs" face aux locaux (très bien exploitée, tant dans les dialogues que visuellement).
Certaines scènes sont un peu attendue, à la limite du caricatural noir/blanc, mais elles méritent leur place. Les décors sont grandioses, chaque personnage évolue de manière unique et particulièrement juste, le casting est génial, chaque rôle est porté jusqu'au plus profond de son humanité, avec tout ce que ça comporte de lâcheté, de vanité, de bêtise. C'est un film avec des décors exceptionnels, tant naturels que citadin, avec un casting fabuleux, qui navigue très harmonieusement -ce qui est une gageure- entre trois espaces-temps différents (la préparation du film en making of, le film dans le film et la "vraie vie"). Un film dont le héros n'est ni un anti-héros, ni un chevalier blanc, juste un homme courageux et surtout, pas celui que l'on croit.
J'ai ri, souvent jaune, j'ai pleuré, j'ai été emballée, j'ai eu le souffle coupé, j'ai aimé. J'hésite à y retourner, pour être moins prise par l'histoire et pouvoir observer l'excellent travail de réalisation. Et j'espère vous avoir donné envie. Une réalisatrice à suivre !
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