Je n'ai pas de passion. Enfin c'est faux, j'en ai des dizaines, il suffit de voir la profusion de mes
boards pinterest. Mais pas de passion que j'aurais attrapée dans l'enfance, autour de laquelle j'aurais construit mes études et de laquelle j'aurais pu faire un métier, ou au moins gagner ma vie. Ce qui a toujours été un gros complexe, face à des camarades qui savaient, qui savaient qu'ils allaient "faire droit" ou qui ont appris un métier. Un vrai métier, celui qui te permet de dire "je suis [ce métier]". J'ai toujours travaillé, depuis mes 16 ans, quand j'ai voyagé, quand j'ai repris mes études. Mais je n'ai jamais prononcé la phrase "je suis [un métier]" en y croyant ou en étant fière. Ou c'était temporaire.
Je connais plein de gens dont le métier n'est pas la passion, mais qui le font bien, et ça leur suffit largement pour vivre heureux. Ce n'est pas mon cas. Parfois j'ai l'impression de me poser trop de questions, d'être présomptueuse (moi, bosser dans n'importe quoi et développer ce qui m'intéresse à côté ne me suffit pas, qui suis-je pour oser refuser ça alors que plein de gens s'en contentent ?), ou paresseuse (ce qui n'est pas le cas, j'ai éprouvé ma capacité de travail quand je fais quelque chose que j'aime, elle est assez phénoménale).
Et puis quelque chose a changé.
J'ai rencontré quelqu'un qui n'avait pas peur de se réinventer, et de persévérer dans l'invention d'un métier qui n'existait pas il y a 5 ans, et qui déplace des montagnes au quotidien, c'est inspirant. Et j'ai rencontré son groupe d'amis. Sur la petite dizaine d'entre eux, trois se sont expatriés pour changer de vie et pousser les limites de leurs compétences au maximum, deux d'entre eux sont devenus indépendants alors qu'ils avaient des postes "pépères", plutôt intéressants et bien rémunérés, deux autres ont repris des cours et/ou changé de boîte. Et j'ai encore mieux regardé autour de moi. Une de mes meilleures amies est physicienne et s'est expatrié aussi, une nouvelle langue, un nouveau pays... et elle continue à être assidue à des MOOCs réguliers. Une autre à quitté sa carrière de chimiste pour ouvrir un lieu de bouche. Tellement d'autres ont changé de boîte, pris des risques. Je rencontre de plus en plus d'indépendants qui ont osé se lancer un jour dans un pari un peu fou et qui en vivent aujourd'hui. En bossant beaucoup plus que quand ils étaient salariés, mais avec une qualité de vie qui n'a rien à voir, qui permet de ne pas compter ses heures.
Et j'ai ouvert les yeux. J'ai quitté un job "pépère et bien rémunéré" où j'étais malheureuse. Sans aucun plan de backup, sans filet de sécurité. Depuis, j'oscille. J'oscille entre la culpabilité de ne pas sauter sur tous les jobs merdiques de secrétaire qui me rendraient malheureuse... mais ne me feraient pas dépendre du système, et continuer sur ma lancée. Produire du contenu (que j'espère) de qualité, apprendre et maîtriser le plus d'outils possible pour le faire, rencontrer des gens et me rendre visible (j'ai encore de gros efforts à faire sur ce point). Au final, je crois que j'ai une bonne étoile. Des projets commencent à se présenter, à force de montrer ce que je sais faire sans rémunération. De très beaux projets.
Et quand j'arrive à faire taire ma peur, je suis convaincue que mon avenir sera passionnant. Pas linéaire, pas "sûr", pas évident ni facile, mais il sera passionnant, complexe, motivant. Il m'obligera à me remettre en question constamment, à apprendre, tout le temps, à tester des choses, à rencontrer des gens, à sortir de ma zone de confort. Et si c'était ça qui me passionnait ?
PS : Quand j'ai fait relire ce texte à quelqu'un avec la question "je peux publier ça sur mon blog ?", cette personne m'a répondu que je devais le publier. Et (i) que je devais envoyer vers
mon profil linkedin, (ii) que je devais préciser que je suis disponible, partout en Suisse Romande, pour la couverture live d'événements (culturels ou non), (iii) et que je devais préciser que je réponds à tous les mails de question avec plaisir. Dont acte.
EDIT : les réactions à ce billet ont été phénoménales, moi qui hésitais à le publier, merci à tous !
Et Jim (qui fait partie du groupe de potes dont je parle ci-dessus) m'a répondu avec un joli texte, le voici.