C'est l'histoire d'un homme qui a perdu son identité. Il ne sait pas qui il est, alors il se fond dans un personnage et dans une époque. Marié à une femme superbe, on dit d'eux qu'ils ressemblent aux figurines en haut du gâteau de mariage tant leur image est parfaite. Père de famille pour l'aura de respectabilité, au début de la série, et directeur créatif dans une agence de publicité renommée de Madison Avenue pour l'assise sociale (Mad Men = les hommes de Madison, jeu de mot avec "mad" = fou et avec "Ad Men"= les hommes de publicité). Son côté mystérieux, taciturne, secret et ses envolées inspirées font merveille. Il fait le funambule entre ce personnage social, homme respectable et admiré de tous, et ce qu'il ressent au fond de lui, être un imposteur, qui ne se soulage qu'en séduisant des femmes aussi perdues que lui, une noirceur abyssale dans laquelle il a une peur gigantesque de sombrer à chaque instant. Et si c'est cette crainte qui le rendait aussi doué pour sentir son époque, cette fin des années 50 où la société occidentale, en particulier américaine, perd ses repères et ses certitudes, puis ces années 60 où la classe moyenne médusée observe la guerre du Vietnam, les assassinats de John Fitzergarld et Bobby Kennedy et celui de Martin Luther King, les revendications sociales des minorités (afroaméricains, femmes, ...), mais aussi le premier pas sur la lune ?
A chacune de ses dérives, Don Draper saisit à nouveau l'Amérique de plein fouet et revient avec un sens profond de comment lui parler. Ce dernier sourire, de cette dernière séquence, appuyé par un joli mickeymousing façon Eurêka, suivi de cette publicité si emblématique qui annonce les fulgurantes années 70, il est reparti pour un tour. Une nouvelle époque s'annonce, alors que pour nous, Mad Men s'arrête.
Mais si, au fond, Mad Men n'était pas l'histoire de Don Draper, il en est certes le fil conducteur, mais c'est lui qui évolue le moins, pareil à lui-même du début à la fin, son charme dévaste tout ce qu'il approche et sa grande finesse d'esprit lui permet de toujours se raccrocher aux branches. Et si les personnages importants dans Mad Men étaient plutôt Peggy, sa protégée, et Joan, son associée, et Betty, sa première épouse, et Sally, sa fille, et Megan, sa deuxième épouse, et Anna, celle qui l'aime en sachant qui il est, et même Trudy Campbell.
Mad Men est l'histoire de Peggy Olson, jeune femme qui n'a pas eu les moyens de faire d'autres études que celles pour devenir secrétaire, qui va devenir en une décennie une professionnelle reconnue dans le monde de la publicité. Mad Men est l'histoire de Joan Halloway, une femme qui va réussir à se faire respecter dans le monde machiste des années 50 et 60 jusqu'à créer sa propre entreprise de production, rien ne lui sera épargné mais grâce à sa force d'esprit elle réussira à devenir sa propre cheffe. Mad Men est l'histoire de Betty, mariée à un homme qui la cantonne à être une femme trophée et une mère au foyer, elle divorce au début des prudes années 60 pour reconstruire sa vie et reprend des études.
Et si ces pitchs ne s'étaient jamais vendus à une chaîne de télé...
Mad Men a été traitée de série machiste à sa sortie, mais au contraire, Mad Men a su montrer l'aburdité du traitement infligé aux minorités, les femmes en particulier, il y a à peine quelques décennies de nous, et combien celles qui ont réussi à s'imposer et à crever les plafonds de verre de l'époque nous ont à tous rendu service.
Mais Mad Men n'est pas qu'une série féministe (si, si), Mad Men est aussi une série esthétiquement époustouflante. Deux exemples. Un grand nombre de plans montrent des personnages seuls à l'image, ces plans sont souvent relativement longs (plusieurs secondes), statiques et silencieux. Ces plans nous plongent systématiquement et avec une très grande efficacité dans le psyché de ces personnages. Mais s'il est possible de s'attacher à chacun d'entre eux, tout est fait pour qu'aucun d'entre eux ne facilite une identification du spectateur. Ces personnages sont trop plein de failles, trop vaniteux, ou ambitieux, ou malhonnêtes, ou mesquins, ou juste égocentriques pour que le spectateur ne s'identifie totalement. Et pourtant, durant ces sept saisons, on se passionne pour leurs "petites" vies. Je dis "petites" car les moments les plus passionnants de la série se passent dans les lieux de leurs vies professionnelles, pas dans des décors flamboyants, pas dans des extérieurs qui nous plongeraient dans des délices de reconstitution, simplement à leur bureau.
La plupart des séquences finales d'épisodes sont ainsi constituées également : un personnage seul, silencieux, en centre d'image, puis un travelling arrière, lent, qui nous montre le personnage encore plus seul, et qui finit, systématiquement, sur une image magnifiquement cadrée, comme un tableau d'un moment particulier, une image d'une époque, tout un discours juste dans un travelling, (presque) à chaque épisode, c'est époustouflant.
Et si ces pitchs ne s'étaient jamais vendus à une chaîne de télé...
Peggy et Joan sont évidemment les plus emblématiques, parce qu'elles font partie du milieu professionnel au centre de la série, parce que leurs choix sont radicaux, parce que leurs ambitions leur procure une force phénoménale qui leur permet de passer au-dessus de tous les inconvénients que cela implique. Mais les "femmes au foyer" ne sont pas en reste, et l'évolution de leurs destins est passionnant à observer, 7 saisons durant pour nous, une décennie pour elles.
Mais Mad Men n'est pas qu'une série féministe (si, si), Mad Men est aussi une série esthétiquement époustouflante. Deux exemples. Un grand nombre de plans montrent des personnages seuls à l'image, ces plans sont souvent relativement longs (plusieurs secondes), statiques et silencieux. Ces plans nous plongent systématiquement et avec une très grande efficacité dans le psyché de ces personnages. Mais s'il est possible de s'attacher à chacun d'entre eux, tout est fait pour qu'aucun d'entre eux ne facilite une identification du spectateur. Ces personnages sont trop plein de failles, trop vaniteux, ou ambitieux, ou malhonnêtes, ou mesquins, ou juste égocentriques pour que le spectateur ne s'identifie totalement. Et pourtant, durant ces sept saisons, on se passionne pour leurs "petites" vies. Je dis "petites" car les moments les plus passionnants de la série se passent dans les lieux de leurs vies professionnelles, pas dans des décors flamboyants, pas dans des extérieurs qui nous plongeraient dans des délices de reconstitution, simplement à leur bureau.
La plupart des séquences finales d'épisodes sont ainsi constituées également : un personnage seul, silencieux, en centre d'image, puis un travelling arrière, lent, qui nous montre le personnage encore plus seul, et qui finit, systématiquement, sur une image magnifiquement cadrée, comme un tableau d'un moment particulier, une image d'une époque, tout un discours juste dans un travelling, (presque) à chaque épisode, c'est époustouflant.
Il serait aussi possible d'analyser les extraordinaires plans symétriques de la série. Et évidemment ses costumes, décors et maquillages, ainsi que son extraordinaire utilisation de chacune des chansons de leurs génériques qui éclairent chaque épisode d'une signification nouvelle. Une analyse complète pourrait être faite de l'utilisation des hors-champ et des intérieurs/extérieurs se mélangeant à travers les fenêtres, une autre sur la géniale utilisation des appels téléphoniques et de leurs mises en scène. Ou encore, un mémoire pourrait être écrit uniquement sur l'utilisation de la télévision comme ancrage historique (ce que j'avais soulevé pour la saison 6). Ce n'est plus mon métier, mais si j'étais encore étudiante en cinéma aujourd'hui, mon corpus serait celui-ci. (Ci-dessous la séquence du premier homme sur la lune.)
Et que regardent ces acteurs incarnant des personnages tous tournés vers leur écran ? Nous, les spectateurs de Mad Men.
Cette série est une des plus belles séries de l'histoire des séries. Ajoutez Breaking Bad et The Sopranos et vous tenez une révolution narrative en 15 ans (The Sopranos 1999 - Mad Men 2015).
Le créateur de Mad Men a réussi à terminer cette série comme il le désirait, au bon moment, en fermant tous ses arcs narratifs, avec brio. Je ne peux que vous recommander de voir ou revoir Mad Men dans son entier, et à la garder, pour la revoir, encore, dans quelques années, je vous garantis qu'elle n'aura pas pris une ride.
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