Dans la guéguerre entre Toulousains et Bordelais, les premiers affirment que Bordeaux est une ville de vin, pas de gastronomie. Ô combien ils ont tort ! On y mange très bien, mais effectivement, beaucoup d'adresses sont surfaites et snob, ou juste des appeaux à touristes. On ne parlera donc pas de l'Entrecôte dans cet article, ni de la compétition Etchebest-Ramsay à la Place de la Comédie.
En deux semaines dans cette ville magnifique, mais très cossue, j'ai eu la chance, grâce à ma merveilleuse hôtesse, de découvrir des restaurants magnifiques, pour des prix raisonnables pour la qualité des produits qu'ils travaillent, dans plusieurs quartiers, c'est de ceux-ci dont j'ai envie de vous parler.
Petit apparté, pendant que je vous tiens, je n'ai PAS bu de vin rouge, les vins de la région sont souvent trop tanniques à mon goût. J'ai par contre pris un énorme plaisir à déguster des blancs délicieux dans tous les restaurants que je vous recommande ici.
C'yusha
C'est le restaurant préféré de ma bordelaise préférée. Jai eu la chance d'y avoir une place parmi les 19 couverts proposés midi et soir, la réservation y est indispensable. D'autant que le chef travaille seul, dans une cuisine ouverte, visible dès l'entrée. Il sera ravi de discuter avec vous avant le repas ou en sortie de table, en particulier de ses producteurs ou des produits qu'il fait pousser lui-même (légumes, herbes et même citrons caviar).
Plusieurs formules sont proposées, ainsi que des plats à la carte. Je vous recommande de choisir le menu, à 34€ pour entrée, plat, dessert (le soir) ou 45€ pour une déclinaison à 6 plats. Pour petits budgets, c'est 19€ à midi (entrée-plat-dessert). Le chef étant seul en cuisine et la serveuse seule en salle, ils apprécieront que vous arriviez à l'heure pile de votre réservation pour une question d'organisation.
Ce jour-là, nous avons eu le plaisir de voir notre entrée prévue au menu changée, car le chef avait reçu des cèpes de son fournisseur. Nous avons donc mangé un oeuf basse température avec espuma de cèpes, brisures de châtaignes, une tartine de lard de colonnata et une fleur de tulbaghia qui amenait une subtile saveur d'ail. Cette entrée raffinée et très équilibrée était précédée d'une mise en bouche de soupe de courge et espuma d'ortie, juste de quoi s'ouvrir l'appétit et se rendre compte de l'originalité et de la finesse des saveurs qui vont suivre.
En plat j'ai choisi l'esturgeon, il était surmonté de chair de citron caviar et d'une touffe de champignons enoki, accompagné d'une purée de panais panée aux épices, d'un pak choi braisé et d'un "jus de bordelaise" (aucune idée ce que ça peut bien être, à part qu'il y a une réduction de vin rouge et de la moutarde de cassis et que c'est délicieux avec le poisson). Accords surprenants, originaux, intelligents, élégants, mais au-delà de ces adjectifs de la blogueuse-qui-se-prend-pour-une-critique-culinaire, c'est surtout diablement bon.
Après une espuma mojito en guise de trou normand (peut-être ce qui m'a le moins intéressé du repas, c'est dire si le reste était bon), on a reçu desserts et fromages. C'était amusant pour moi de reconnaître plusieurs produits typiquement servis en Suisse, de la Tête de Moine dans l'assiette de fromage (avec un chèvre juste égoutté, un chèvre cendré et un autre fromage de type reblochon, servi sur une tapette à souris) et du chasselas en grain et en verjus dans l'assiette de dessert intitulée "la flaveur des raisins". Un dessert de cuisinier qui joue avec les accords, différents types de raisins utilisés et travaillés de manières différentes, de grains frais à raisins séchés, en sorbet ou en gelée, avec du chocolat, du tofu à la pistache, une crème façon dulce de leche et j'en oublie. Chaque plat travaille nos sens, interroge (et ravit) nos papilles, sans jamais pouvoir être accusé de chichitage.
J'ajoute que le restaurant est très beau, la vaisselle est magnifique, le pain est maison (au levain) servi avec des beurres aromatisés de chez Bordier ou maison (celui du chef à l'huître végétale est fameux), le service est parfait, il y a des cartes de visites des fournisseurs à l'entrée et, je le répète, le chef est adorable et toujours disposé à répondre à vos questions.
C'est très impressionnant de se sentir à ce point invité dans l'imagination et la gourmandise de votre hôte, ce concept de l'homme seul en cuisine ouverte me séduit, et j'ai adoré cette rencontre avec la cuisine de Pierrick Célibert et j'espère avoir l'occasion de déguster son travail à nouveau.
12, rue Ausone
Mardi, mercredi et jeudi midi
Du mardi au samedi le soir
Réservation obligatoire
Le Petit Commerce
Le lieu est une institution, d'un petit local dans la Rue du Parlement Saint-Pierre, il est devenu double, puis triple, il fût un temps où l'un des local abritait même une poissonnerie (ce sera à nouveau le cas dans quelques mois). Depuis septembre 2015, un nouveau chef, Stéphane Carrade, est aux commandes. En plus de superviser la brasserie, il va y créer une "table gastronomique à prix doux" (début novembre 2015) que je n'ai pas eu l'occasion de tester mais je vous y encourage.
Pour ma part je me suis régalée de fruits de mer à la plancha (les couteaux et les calamars sont magnifiques) et d'un plateau de fruits de mer comportant un demi-tourteau, des huîtres, des crevettes, des clams, des bulots, des bigorneaux, des praires, des crevettes grises (rhâ lovely), des murex et j'en oublie. A moins d'être un outre-mangeur, mangez-le à deux ou prenez un demi-plateau (25€) ! Le soir, la brasserie propose aussi un très chouette choix de tapas maison et de très jolis vins au verre à prix raisonnables (dès 3,5€ pour la très recommandable réserve maison).
Le chef ayant importé une partie de sa brigade depuis le Grand Hôtel, on m'a vivement recommandé les desserts de son pâtissier. De quoi faire un festin.
Le service est efficace, le chef passe régulièrement entre les établissements pour observer la clientèle... ou vous allumer du chauffage s'il a peur que vous preniez froid, c'est un homme adorable.
Le service est efficace, le chef passe régulièrement entre les établissements pour observer la clientèle... ou vous allumer du chauffage s'il a peur que vous preniez froid, c'est un homme adorable.
22, rue du Parlement Saint-Pierre
Tous les jours, cuisine non-stop 12h-23h (mais je recommande de vous y rendre aux heures de repas où la brigade est complète en cuisine...)
Kressmann Brothers
Autre quartier, autre style, ici on est au coeur des Chartrons, sur une place entourée d'établissements et couverte de terrasses. Mais je ne vous y recommande qu'une adresse : Kressmann Brothers. Les deux frères qui ont monté cette brasserie sont passionnés de vin (ils sont nés dedans) et de beaux produits. La carte est courte et change selon les arrivages, et tout y est magnifique. La bavette, sauce à l'échalote et écrasée de pomme de terre est un must, le tataki de boeuf à se damner, le carpaccio de Saint-Jacques avec sa chantilly de coriandre et jus de yuzu est parfait, la papillote de poisson est délicieuse, le camembert rôti est décadent.
En plus c'est confortable, les prix sont tout doux pour des produits d'excellente qualité, y compris pour les vins, et le service est très amical et efficace. Un de mes restaurants préférés à Bordeaux, j'en ferais bien ma cantine (et je ferais bien des bisous à leur boucher) !
8, place du marché des Chartrons
Tous les jours, 12-14h30 - 18h30-22h30 (uniquement le midi le dimanche)
Comptoir Cuisine
C'est peut-être le lieu le plus bourgeois et évident de ma liste, mais il mérite vraiment une visite. Installé juste en face du Grand Théâtre, sa terrasse, avec cheminées (!) a une vue magnifique. "Le meilleur tartare de Bordeaux" m'avait-on dit, je n'en ai pas goûté ailleurs et ne peux pas vous affirmer que c'est vrai, mais c'est sans aucun doute un des meilleurs que j'ai mangé de ma vie. Entre la carte fixe, relativement courte et les très nombreuses propositions du jour, votre choix sera difficile.
Je vous recommande les ravioles de foie-gras au bouillon (avec coco de paimpol et lardons fumés), le baba au rhum extraordinaire (à partager, il est énorme !), les poissons (selon arrivage), bref, tout ce que j'ai pu goûter. Ici encore, la sélection de vins au verre est à des prix raisonnables (leur Dourthe à 3€ par exemple) et le café gourmand est un festin (le pâtissier maison prépare des desserts toute la journée car l'établissement fait office de salon de thé -avec des thés Mariages Frères- l'après-midi).
Le service est efficace et sympathique, même avec les touristes espagnols ou américains pénibles, le lieu, bien qu'étant classieux, est tout à fait cosy (si vous ne vous offusquez pas de côtoyer des manteaux de fourrure, des sacs de créateurs hors de prix et des vestes matelassées -private joke-), à tel point que j'y suis retournée deux fois. Dire que certains font la queue à l'Entrecôte ou pour une salle aux dorures kitch à quelques mètres... incompréhensible.
Le service est efficace et sympathique, même avec les touristes espagnols ou américains pénibles, le lieu, bien qu'étant classieux, est tout à fait cosy (si vous ne vous offusquez pas de côtoyer des manteaux de fourrure, des sacs de créateurs hors de prix et des vestes matelassées -private joke-), à tel point que j'y suis retournée deux fois. Dire que certains font la queue à l'Entrecôte ou pour une salle aux dorures kitch à quelques mètres... incompréhensible.
2, place de la Comédie
Tous les jours, midi et soir (l'après-midi il fait office de salon de thé)
Le Café du Levant
Brasserie entièrement décorée Art Déco, le lieu est sublime. La terrasse est spacieuse et paisible, bien que face à la Gare Saint-Jean. Le service est parfait, la carte est classique mais très bien interprétée (même l'oeuf-mayo avait l'air délicieux) et chaque jour il y a des propositions de saison. J'y ai dégusté des calamars en persillade déposés sur un lit de courge confite, je n'aurais pas parié sur l'harmonie des saveurs et pourtant c'était exquis. Leur assiette de fromages mérite une visite à elle toute seule, et le pâtissier maison a une telle réputation que j'ai vu plusieurs tables ne venir que pour les desserts.
Un seul détail : ne goûtez pas leur Pessac-Léognan, à moins d'être disposés à en prendre un deuxième et un troisième verre tant il est gouleyant.
22-25, rue Charles-Domercq (en face de la gare St Jean)
Tous les jours 11h30-14h30 et 18h30-22h30, salon de thé non-stop dès 8h
En sus de ces établissements que je vous recommande chaleureusement, et que j'ai testés, mon hôtesse chérie, Esme, pâtissière et grande gourmande de son état m'a confié une liste de restaurants et lieux de shopping gourmand à Bordeaux rien que pour vous :
- Fufu : bar à ramen, tout est fait maison, plusieurs établissements à Bordeaux, comfort food power, possibilité de commander à emporter.
- Mokoji : petit restaurant coréen, attention, bondé dès 20h10, venez tôt... ou tard. Merveilleux bibimbap, bulgogi, poulet pané, bref, tout est bon, et copieux, à prix modiques. Service hyper sympa et efficace, possibilité de commander à emporter.
- Canelés La Toque Cuivrée : c'est simple, une seule adresse, aller les chercher directement à l'usine, jamais ailleurs, et ouais.
- Le Comptoir Bordelais : épicerie fine, attention, tout votre budget shopping risque d'y passer ! La collection de conserveries est mirobolante avec toutes les spécialités du Sud Ouest imaginables (oui, du foie gras, mais pas que), des vins et alcools, des épices et tout ce qui est nécessaire pour ne pas trop souffrir du manque de Bordeaux en rentrant chez vous. Prix... épicerie fine.
Pour le reste, Bordeaux et couvertes de terrasses, il est facile de boire un verre partout, partout, partout, vins, bières (quoi qu'il faille chercher longtemps les artisanales), cocktails et même de parfaits thés à la menthe (quartier Saint-Michel, en cours de gentrification, ce qui est chiant pour les habitants, mais un régal pour les touristes).
Mes parents habitent Bordeaux et je ne peux qu'approuver grandement cette sélection, avec C'Yusha, mon coup de coeur. Je te recommande aussi lors d'un autre passage Dan Restaurant :)
RépondreSupprimer(si je puis me permettre une petite suggestion... je pense qu'il s'agissait de cèpes (les champignons) et non de ceps (de vigne), non ?)
Han, la honte, des cèpes, évidemment.
SupprimerMerci pour ton com :-)
Voilà au moins quelques raisons de revenir visiter mes presque voisins (je bave) et approfondir une découverte commencée si joliment en si bonne compagnie. Merci de t'être dévouée pour aller goûter tout ça !
RépondreSupprimerLe dévouement gourmand, c'est tout moi :-D
SupprimerJ'aime ton sens du sacrifice
SupprimerMerci pour ce chouette article, je retiens les adresses pour ma prochaine venue !!! :-)
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