09/01/2012

"les régimes de Hitler ou Staline ont commis des crimes moins répugnants que l'avortement" Javier Jimenez

Cathédrale de Grenade

Aux dernières élections, le gouvernement espagnol est repassé à droite et son Premier Ministre, Mariano Rajoy, proche de l'église, a annoncé son intention "d'extirper la corruption de la loi laïque"  ["há que extirpar a podridão da legislação laica"] sur l'IVG adoptée par le gouvernement précédent de Zapatero. L'auteur Portugais Manuel Antonio Pina, éditorialiste au Jornal de Noticias, a ressorti pour l'occasion une homélie de Noël de 2009 de l'archevêque de Grenade, Javier Jimenez dont je vous livre ici ma traduction d'extraits choisis (tous les paragraphes traitant de l'avortement dans ce texte de 5 pages) : 


"Peu d’images dans l’histoire sont aussi tristes que celles que nous offrent nos parlementaires applaudissant ce qui finalement est devenu un droit : tuer un enfant au sein de sa mère. C’est cela que nous appelons progrès ? Une loi promulguée qui met des milliers de professionnels (médecins, infirmières, …) –surtout eux- dans des situations très similaires à celles qu’ont dû affronter les médecins ou les soldats sous les régimes de Hitler ou de Staline, ou dans n’importe quelle dictature durant le XXème siècle qui ont établi la légalité d’autres crimes, moins répugnants que l’avortement. Parce que c’est lâche de tuer le faible."

"Mais tuer un enfant sans défense, et que ce soit sa propre mère qui le fasse ! Ça donne aux hommes [dans le sens « mâles »] la permission absolue, sans limites, d’abuser du corps de la femme, parce que c’est elle qui porte la tragédie, et elle la porte comme si c’était un droit : le droit de vivre toute sa vie en supportant un crime que laisse pour toujours des traces dans la conscience et pour lesquelles ni les médecins, ni les psychiatres, ni aucune technique ne connaissent le remède. Il n’existe qu’un remède pour ce crime : le pardon, remède que seuls nous, chrétiens, connaissons."

"Chers frères, le monde est dans les ténèbres, et un tel monde est condamné à la violence et au péché, aux abus des hommes contre les hommes. Cette permission de tuer n’est que le premier pas de la perte de liberté de notre société, le premier pas –gravissime- qui annonce que nous sommes déjà dans une nouvelle et terrible dictature –terrible !- et que liberté est un mot vide, parce que l’Etat a le pouvoir de décider si oui ou non nous sommes libres, de décider qui a le droit de vivre et qui n’en a pas le droit, ce que nous devons avoir dans notre conscience, comment appeler les choses ou comment doivent être nos relations humaines, y compris les plus intimes, et ce qu’est, ou n’est pas, un mariage. Ce n’est pas une dictature, non, c’est un type d’autoritarisme tyrannique des sociétés primitives. Et nous le permettons avec une tranquillité étonnante, nous consentons sans nous émouvoir, parce que le spectacle doit continuer, parce que la consommation et la fête doivent continuer."

"Que le Christ soit né signifie que toute vie est sacrée, pas seulement depuis sa conception mais depuis l’éternité. Nous avons été aimés et chéris par Dieu, avant même que ne soient nés nos parents. L’être humain n’est pas au-dessus de Dieu. Il peut détruire son œuvre, comme nous pouvons détruire ce monde ou des millions de vies avec une bombe atomique, mais la blessure nous marque, marque nos frères et la terre, et la récession que ça signifie pour l’humanité en tant qu’humanité, en tant qu’êtres capables de raisonner, de liberté et d’amour, ce qui nous définit face aux autres espèces animales, est énorme. C’est l’humanité qui recule avec ce génocide silencieux auquel on nous invite et qui est promu aujourd’hui, génocide qui est imposé à certains professionnels comme une obligation –je répète : le même genre d’obligations imposées aux officiels des camps de concentration d’Auschwitz et Buchenwald contre lesquels ils ne pouvaient se rebeller parce qu’elles étaient ordonnées par des supérieurs-."



Sous le texte original figure son mail : mcsgranada@planalfa.es . Je ne saurais trop vous encourager à lui écrire pour lui livrer votre sentiment. (Je vous envoie volontiers la traduction que j'ai faite du texte entier, n'hésitez pas à m'écrire -mon adresse est dans la colonne de gauche-.) (Une petit précision toutefois, j'ai été alertée sur facebook par plusieurs personnes qui ont publié un lien vers Le Vif/L'Express, qui malheureusement fait des raccourcis un peu trop rapides, probablement dus à l'utilisation de google translate en parlant de "légitimation du viol", ce que ne fait pas directement avec ces mots-là cette homélie. Ce qui ne la rend pas moins abjecte.)

Pour ma part, je suis évidemment atterrée. Ses comparaisons répétées entre l'avortement et les crimes de Hitler dont les camps de concentration, son message autorisant (et incitant tacitement) les hommes à abuser des femmes qui ont avorté, c'est insupportable. Le droit des femmes de disposer de leur propre corps est mis en danger dans de nombreux pays en Europe, soit par des hommes d'état qui combattent des lois durement acquises, soit par une difficulté croissante d'accès à cet acte médical pourtant banal. (OUI, c'est médicalement vraiment banal et anodin.) (NON, je ne le dis pas pour provoquer.)

Je vous encourage d'ailleurs à aller lire le blog Je vais bien, merci ! qui recueille des témoignages de femmes ayant vécu une IVG et qui décident de dire à haute voix que non seulement elles ne regrettent pas, mais qu'en plus elles ne souffrent pas de l'avoir fait. Récits qui explicitent souvent à quel point le corps médical peut être jugeant et brutal face à ces femmes qui ont pris leur décision et ne veulent que pouvoir exercer leur droit.


__________________________


Edit : le plus absurde c'est que d'autres avant lui avaient écrit un bien meilleur texte que ce cher Javier, il aurait pu le reprendre tel quel, ça aurait été parfait.

15 commentaires:

  1. Petits conseils :

    pour noyer son mail, le plus facile c'est de proposer une lettre-type aux gens, pour qu'ils n'aient qu'à faire un copier-coller ;-)

    Et j'ajouterai qu'il serait intéressant de proposer de mettre quelques médias espagnols en CC.

    RépondreSupprimer
  2. je suis naturellement d'accord avec vous.
    Sauf que cette homélie n'est pas celle de Noël mais la " Homilía domingo IV Adviento en la catedral"

    Fecha: 23/12/2009.

    je vous engage à aller sur le site de l'Archevêché de Granada pour vous faire une idée plus précise de ce qu'il peut dire.
    http://www.arzobispodegranada.es/index.php?mod=home&lan=fr
    de lire l'homélie n°22 en entier.
    Les médias Espagnols connaissent cet Archevêque jeune et important, spécialiste de l'Orient des non croyants, et de la santé, et de la Doctrine de la Foi.
    Il faut plutôt regarder du côté du parlement espagnol qui s'apprête à dicuter ou a abroger la loi sur l'autorisation de l'avortement. Sous la direction de Mario Rajoy

    RépondreSupprimer
  3. bravo en tout cas à toi d'avoir voulu aller plus loin que la simple lecture de l'Express et d'avoir traduit tout le texte.

    RépondreSupprimer
  4. @ Mateusz : on va dire que j'ai fait la traduction et que maintenant il n'y a plus qu'à écrire une lettre-type, tu seras sûrement très doué pour la faire :-P

    @ Anonyme : c'est l'Homélie du 4e dimanche de l'Avent, datée du 20 décembre 2009, si vous cliquez sur le lien du texte que je cite et que j'ai traduit...

    @ Raphe : merci.

    RépondreSupprimer
  5. et sinon, il a un numéro de fax, ce grand garçon ?

    RépondreSupprimer
  6. Comme je le disais sur twitter: On devrait surtout condamner la branlette: tous ces pauvres enfants tués, étouffés dans des kleenex.

    RépondreSupprimer
  7. Bon sang, suis atterrée :'( Merci pour le lien du site, je vais aller jeter un oeil!

    RépondreSupprimer
  8. @ Baudoin : google est ton ami.

    @ Jo : Every sperm is sacred, every sperm is great.

    @ Dididoumdida : je me suis dit qu'il serait intéressant de traduire ce texte dont je n'avais pas trouvé de version française sur le web.

    RépondreSupprimer
  9. En fait, je pense que l'auteure de la traduction a mal compris le message de l'archévêque. Il ne s'agit pas d'autoriser l'abus sexuel, mais le fait de permettre le recours libre à l'avortement fait qu'il y a moins de responsabilisation de l'acte sexuel, et il y a donc abus dans le sens où l'acte sexuel est un cadeau de Dieu, cadeau mal utilisé dans le monde actuel. Je pense que c'est ça le message derrière ces phrases.

    Et un foetus est un être vivant, peut-être pas pour la loi française, mais pour un grand nombre de personnes dans le monde. Tuer 350000 bébés par an, rien qu'en France, fait qu'on s'approche rapidement des chiffres de Staline et de Hitler, ne nous leurrons pas.

    RépondreSupprimer
  10. @ Anonyme : JE suis la traductrice, je parle espagnol, j'ai très bien compris ce texte. Venir poster un message du genre en anonyme... belle preuve de courage ^^

    RépondreSupprimer
  11. Pour être honnête, je pense que cette phrase:
    "Mais tuer un enfant sans défense, et que ce soit sa propre mère qui le fasse ! Ça donne aux hommes [dans le sens « mâles »] la permission absolue, sans limites, d’abuser du corps de la femme, parce que c’est elle qui porte la tragédie, et elle la porte comme si c’était un droit..."
    ne doit pas être comprise comme "Puisque les femmes prennent la liberté d'avorter, messieurs, ça vous donne le droit de les violer pour les punir."
    Ce que je comprends, c'est plutôt qu'il tient le raisonnement suivant: "Puisque les femmes peuvent se débarrasser impunément du fruit de l'acte sexuel, qu'est-ce qui va empêcher les hommes de se vautrer irresponsablement dans le stupre avec elles?"
    Ca n'enlève rien à la débilité de comparer l'avortement et la solution finale, mais pour moi, ce n'est PAS un appel au viol du tout, contrairement à ce qui a été interprété dans l'article belge de l'Express.

    RépondreSupprimer
  12. @ Armalite : je pense que sa phrase n'est pas claire. L'Express a été trop vite en besogne et ferais mieux d'engager un traducteur, là je suis d'accord.

    Par contre, dans un texte de prêche, qui est comme une leçon de conduite à tenir, un phrase pareille peut être interprétée par les fidèles comme ils l'entendent, et certains l'entendront peut-être comme une permission d'abuser sexuellement.

    Mais ce qui me choque le plus dans ce texte reste le rapprochement entre la Shoah et l'avortement. Ainsi que le répète "Anonyme" juste au-dessus d'ailleurs, ce sont donc des pensées bien ancrées dans la base de croyants catholiques et c'est abominable.

    Il y a quelques jours, une adolescente de 12 ans, tombée enceinte après un viol, a été interdite d'IVG au Nicaragua. L'actuel président, ancien révolutionnaire de gauche s'est converti il y a quelques années et est devenue le pire des conservateurs cathos. Le résultat fait peur. L'intégrisme fait peur. Et qu'un intégriste ait le droit de prêcher ainsi et soit aussi haut dans la hiérarchie de l'église augmente ma haine anti-cléricale viscérale.

    RépondreSupprimer
  13. Un avis d'une journaliste qui connaît assez bien la question: http://www.lavie.fr/chroniques/matinale-chretienne/un-archeveque-espagnol-accuse-d-appeler-au-viol-09-01-2012-22933_167.php

    Vous dites vous-même que vous êtes une anticatholique viscérale. Il est donc clair que vous manquez de tous les éléments pour comprendre ce que cet évêque a réellement dit, même si vous êtes bilingue espagnol. Il ne suffit pas de comprendre la langue dans laquelle quelqu'un s'exprime pour comprendre ce qu'il dit réellement.

    RépondreSupprimer
  14. @ Anne : je n'ai JAMAIS dit être anti-catholique, mais anti-cléricale. Ce n'est pas du tout la même chose. Il ne suffit pas de survoler les mots pour comprendre un commentaire.

    Et "la journaliste qui connaît assez bien la question" écrit donc pour "La vie"... hum. Ce n'est pas "connaître la question", mais faire partie d'un lobby.

    RépondreSupprimer
  15. @ Anne : de plus, si vous aviez lu mon billet, ce que vous n'avez pas fait vu votre commentaire, vous auriez compris que j'ai effectué cette traduction en critique au journal L'Express qui a interprêté une mauvaise traduction et que j'ai tenté de rétablir le texte d'origine. On ne trouve nulle part dans mon billet de trace du mot "viol". Par contre les allusions à Hitler, Auschwitz et Buchenwald ne sont pas traduisibles ni compréhensibles autrement que pour ce qu'elles sont. On accuse les femmes ayant avorté, comme groupe humain, d'avoir créer un Holocauste à la même hauteur de celui de la Deuxième Guerre Mondiale.

    Il est un peu facile de crier à la mécomprhéension des "non croyants" sous prétexte qu'ils ne connaissent pas le contexte qui permettrait de comprendre ces mots. Les mots sont là. J'ai collé au plus près du texte original, même si ça rend la traduction très peu élégante, afin d'être sûre de ne pas faire de contre-sens.

    Cet archevèque me répugne. Son discours est immonde. Et le fait que le nouveau Premier Ministre espagnol, proche de l'Eglise, puisse ne serait-ce que penser 10% de ces horreurs me provoque peur et colère. De très nombreuses femmes en détresse vont pâtir de ce retour à l'obsucrantisme Moyen-Âgeux (puisque ce Monsieur a l'air d'aimer tellement cette période -cf texte global).

    *vomir*

    RépondreSupprimer